Depuis près de 100 ans, l’Institut Pasteur de Dakar (IPD) est à l’avant-garde des activités de santé publique, de surveillance et de recherche biomédicale en Afrique de l’Ouest et au-delà, et a étendu son champ d’action et son expertise aux priorités de santé publique de l’Afrique, uniques et souvent négligées. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance vitale de créer des capacités de fabrication de vaccins en réseau à l’échelle mondiale, afin de développer et de mettre à l’échelle les outils et le savoir-faire sanitaires nécessaires pour mettre fin aux épidémies et prévenir les pandémies. Aujourd’hui, l’IPD travaille sans relâche pour contribuer à relever le défi de faire de cet objectif une réalité en Afrique.

Par Dr Amadou Alpha Sall, Administrateur général, Institut Pasteur de Dakar, Sénégal

Le programme de Centre de transfert de technologie ARNm de l’OMS est une grande opportunité pour l’IPD car il est clairement aligné sur notre raison d’être d’accélérer l’accès équitable et durable à la santé. En réponse à l’inégalité à laquelle l’Afrique a été confrontée pendant la pandémie de COVID-19, l’IPD travaille avec ses partenaires techniques et financiers à la création d’une nouvelle installation pour fabriquer des vaccins du PEV et contre les maladies pandémiques et épidémiques en Afrique et pour l’Afrique.  Ce projet, appelé MADIBA (Manufacturing in Africa for Disease Immunization and Building Autonomy) vise à renforcer l’autonomie de l’Afrique en matière de vaccins, en tirant parti des nouvelles technologies, afin de contribuer à la réalisation de la vision audacieuse de l’Union africaine, qui souhaite fabriquer 60 % de ses vaccins sur le continent d’ici 2040.

Depuis 80 ans, l’IPD fabrique des vaccins contre la fièvre jaune qui répondent aux normes de qualité de l’Organisation mondiale de la santé. Nous sommes maintenant prêts à mettre à profit cette expérience et à franchir une nouvelle étape dans notre parcours en élargissant notre portefeuille. Dans un tel contexte, les vaccins à ARNm sont l’occasion de faire un bond en avant en termes de recherche et de fabrication. Dans le cadre d’une volonté de « fabriquer des vaccins pour plus d’équité », la technologie ARNm représente une grande opportunité pour au moins 4 raisons :

  1. Mettre en relation la surveillance et la fabrication pour accélérer le processus entre la détection de nouveaux agents pathogènes et la réponse avec un vaccin approprié. À l’ère de la surveillance génomique, la surveillance des syndromes à l’échelle des communautés, renforcée par la technologie numérique et le partage approprié des données, pourrait permettre d’identifier rapidement de nouveaux agents pathogènes et d’accélérer le processus de conception et d’évaluation de nouveaux vaccins candidats à l’aide de la technologie ARNm. L’IPD et d’autres institutions en Afrique intervenant au niveau des soins de santé primaires et des communautés peuvent être les premiers détecteurs et les premiers intervenants de l’ambitieuse mission 100 jours du CEPI, soutenue par de nombreux partenaires clés[1].
  2. Recherche et développement fondés sur la technologie ARNm – Aujourd’hui, nous sommes en discussion avec les porte-paroles et d’autres partenaires, dans le cadre du Centre de transfert de la technologie ARNm pour répondre aux besoins de l’Afrique en matière de vaccins. Notre objectif est de renforcer les capacités internes et d’aider à développer un portefeuille pertinent à long terme. En partant de zéro, nous développerons chaque étape en considérant des projets pilotes utilisant la technologie ARNm.
  3. Développement du capital humain – En plus de notre vivier actuel d’excellents chercheurs, nous avons besoin de scientifiques qualifiés capables de développer et de fabriquer de nouveaux produits à base d’ARNm. L’IPD a déjà considérablement renforcé son équipe en recrutant de jeunes scientifiques brillants, dont les connaissances approfondies en matière de maladies infectieuses sont déjà mises à profit pour la surveillance des maladies et la recherche. Ces scientifiques se rendront bientôt à Afrigen pour commencer leur formation préliminaire à la technologie de l’ARNm. Ce qui nous importe n’est pas seulement d’avoir la capacité de produire des vaccins à ARNm, mais aussi d’avoir une compréhension globale des maladies et de la nécessité de nouveaux outils de santé, et, grâce à cette compréhension, d’utiliser les dernières avancées scientifiques pour concevoir les meilleurs vaccins.
  4. Transfert de technologie – Le partage des connaissances et du savoir-faire entre les partenaires constitue une valeur ajoutée considérable du programme du Centre. Le Centre fournit toute l’expertise nécessaire pour effectuer un transfert de technologie et pour s’orienter, par l’intermédiaire du Medicines Patent Pool, dans les discussions sur la propriété intellectuelle avec les différents fabricants. Ce soutien et ce réseau sont essentiels pour une fabrication efficace et équitable de vaccins dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFM). Cela contribuera également à instaurer la confiance dans la qualité de nos produits, adaptés à notre environnement et traditionnellement négligés.

La perspective de faire cela ensemble et d’apprendre les uns des autres fait du programme de Centre de transfert de technologie ARNm de l’OMS une initiative très stimulante et valorisante. De nombreuses possibilités de collaboration s’offrent à nous. Par exemple, notre agence apparentée, l’Institut Pasteur de Tunisie, se concentre également sur le développement d’outils de santé pour un ensemble différent de maladies, que nous pourrons utiliser ultérieurement. Nous partagerons et bénéficierons également des recherches de tous les intervenants, créant ainsi un écosystème adapté aux besoins des communautés que nous servons. Je suis convaincu qu’à travers ce projet, les PRFM obtiennent quelque chose de très pertinent et de très nécessaire, et nous sommes fiers d’être un partenaire contribuant à cet écosystème.

 

[1] https://cepi.net/wp-content/uploads/2022/03/8-March-2022_-HMG-CEPI-Industry-joint-statement.pdf