prévention du VIH à libération prolongée

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À propos du Dr Zeda Rosenberg :
Zeda F. Rosenberg est la fondatrice et la directrice générale du Partenariat international pour les microbicides. Cette organisation à but non lucratif est spécialisée dans la mise au point de produits destinés aux femmes, parmi lesquels l’anneau à la dapivirine, pour empêcher leur contamination par le VIH et leur permettre de préserver leur santé sexuelle et reproductive. Microbiologiste et épidémiologiste ayant précédemment occupé des fonctions de direction au sein du HIV Prevention Trials Network et de l’US National Institute of Allergy and Infectious Diseases au sein des Instituts américains de la Santé (NIH), le Dr. Rosenberg est à l’avant-garde de la recherche sur les facteurs biologiques et comportementaux pour la réduction de la transmission du VIH depuis plus de 30 ans.

Crédits : IPM

– Par le Dr Zeda Rosenberg, directrice générale et fondatrice du Partenariat international pour les microbicides; à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science

Consacrer ma vie à améliorer la santé des femmes, c’est comme respirer, ça me vient tout naturellement. Lorsque j’ai commencé ma carrière, à la fin des années 80, il était évident que les premières victimes des maladies sexuellement transmissibles étaient les femmes. Et le VIH/sida n’allait pas arranger les choses.

Ma mission a donc débuté avec cette pandémie, relativement nouvelle à l’époque. Mon leitmotiv était le suivant : comment aider les femmes à prendre leur santé en main ? Comment leur permettre de réduire leur risque de contracter le VIH dans une société marquée par tant d’inégalités entre les hommes et les femmes ?

L’importance d’avoir le choix

Aujourd’hui, le VIH/sida reste la première cause de décès chez les femmes âgées de 15 à 44 ans. Chaque jour, presque 1 400 femmes dans le monde sont contaminées par le VIH. En Afrique subsaharienne, où l’épidémie frappe le plus fort, près de 60 % des nouvelles infections chez l’adulte concernent des femmes, et les jeunes femmes ont deux fois plus de risques d’attraper le VIH que les jeunes hommes.

OAu fil des années, la prévention du VIH a beaucoup évolué, notamment grâce à la prophylaxie préexposition par voie orale (PrEP) et à la méthode du « traitement comme méthode de prévention », qui permet à une personne vivant avec le VIH de réduire sa charge virale et la transmissibilité du virus en prenant un traitement antirétroviral (ARV) (indétectable = intransmissible, ou i=i). Pourtant, les inégalités restent omniprésentes et entravent chaque jour l’accès des femmes aux services de prise en charge, de prévention et de traitement. Malheureusement, les femmes sont biologiquement et culturellement plus susceptibles de contracter le VIH au moment de rapports hétérosexuels – trop souvent, leur partenaire refuse d’utiliser un préservatif. Bien que le recours à la PrEP soit en augmentation, il reste très difficile pour certaines femmes de l’intégrer à leur vie quotidienne, et la stigmatisation reste un problème lorsque la PrEP est confondue avec un traitement.

Les femmes doivent bénéficier d’un choix plus large en matière de prévention. C’est en élargissant l’éventail de choix pour les femmes dans différents contextes, à différents moments de leur vie, que nous leur donnerons véritablement la possibilité d’être actrices de leur santé. Après tout, un produit (traitement systémique ou non systémique, à action prolongée, à prise quotidienne ou à la demande) n’est pas forcément adapté à toutes.

L’anneau à la dapivirine : la solution qui manquait au portefeuille de prévention du VIH

Crédits : Andrew Loxley, avec la permission d’IPM

De nouvelles solutions, telles que l’anneau vaginal à base de dapivirine (mis au point par notre organisation à but non lucratif, le Partenariat international pour les microbicides, au cours des 16 dernières années) et les futures méthodes de prévention injectables ou implantables, viendront enrichir l’éventail d’options de prévention offert aux femmes, leur donnant davantage de choix.

L’anneau à la dapivirine est la première solution de prévention du VIH à libération prolongée à recevoir un avis favorable des autorités. En silicone souple, il libère lentement de la dapivirine, un antirétroviral de la famille des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse, pendant un mois. Ce dispositif innovant peut être discrètement inséré et retiré par la femme elle-même, sans que l’intervention d’un professionnel de santé soit nécessaire. L’anneau est inséré au fond du vagin et reste en place jusqu’à ce qu’il soit remplacé, au bout d’un mois d’utilisation. Il agit localement, au niveau du vagin, en le protégeant d’une potentielle infection ; son absorption systémique est très faible, ce qui réduit le risque d’effets secondaires. L’anneau n’a pas besoin d’être réfrigéré et a une longue durée de conservation, ce qui permet de décentraliser sa distribution, par exemple dans des centres de planning familial et des pharmacies proposant des tests de dépistage.

Plusieurs études ont démontré que l’anneau ne présente pas de danger pour les patientes et réduit le risque de contamination par le VIH lorsqu’il est utilisé de manière régulière. Chose importante également : les femmes le tolèrent très bien. L’année dernière, ce produit a obtenu un avis scientifique positif de la part de l’Agence européenne des médicaments et une préqualification de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ; le mois dernier, il a fait l’objet d’une recommandation de l’OMS. Maintenant que toutes ces étapes prometteuses ont été franchies, nous avons bon espoir que les autorités de réglementation nationales d’Afrique subsaharienne, où l’urgence est la plus marquée, approuveront bientôt la mise sur le marché de cet anneau dans leurs pays respectifs.

Les partenariats et les efforts collectifs joueront un rôle essentiel pour l’accès

Après cela, il restera encore beaucoup à faire. Une fois l’anneau approuvé au niveau de chaque pays, il faudra le déployer, ce qui représentera une tâche colossale. Nous aurons besoin de l’aide de nombreux partenaires dans divers pays et secteurs pour que tout se mette en place ; il faudra notamment que les partenaires locaux se coordonnent avec les ministères de la santé, qui devront établir des politiques propices, et que les partenaires chargés de l’approvisionnement et des chaînes logistiques contribuent à satisfaire la demande. Si l’approbation de l’anneau par les autorités nationales rassurera probablement les femmes quant à son utilisation, les opérations de formation, de communication, de soutien et de plaidoyer par d’autres femmes joueront un rôle tout aussi crucial pour sensibiliser les femmes, créer de la demande et renforcer la confiance autour de l’anneau. D’autres obstacles pourraient également nuire à l’adoption de ce produit. Par exemple, les capacités du système de santé pourraient être limitées à cause de la pandémie de COVID-19. Personne n’aurait pu prédire que nous allions procéder au déploiement de l’anneau pour lutter contre une épidémie virale au beau milieu d’une autre pandémie virale. En outre, le caractère abordable de l’anneau est une priorité pour nous — nous savons que le coût élevé d’un produit de santé peut représenter un obstacle à l’accès, en particulier pour les personnes qui en ont le plus besoin. Il sera important que les gouvernements et les agences de financement veillent à ce que l’anneau soit proposé à un prix très bas, voire gratuitement.

Au Partenariat international pour les microbicides, l’accès aux médicaments est une cause qui nous tient très à cœur. Nous pensons qu’il est important que les femmes, partout dans le monde, aient accès à l’anneau au coût le plus bas possible, voire gratuitement. Avec notre partenaire de fabrication (QPharma, Suède), nous préparons la première phase de mise sur le marché de l’anneau, mais notre capacité globale est limitée. La mission principale du Partenariat international pour les microbicides consiste à introduire l’anneau sur le continent africain, où le besoin d’un dispositif de prévention du VIH à libération prolongée est le plus important. L’aide d’un partenaire tel que le Medicines Patent Pool, qui jouit d’une expérience considérable dans le domaine des licences volontaires et du transfert de technologies, pourrait faciliter la mise sur le marché de l’anneau et potentiellement réduire le coût unitaire sur le long terme.

Après l’anneau mensuel

À présent que nous pouvons entrevoir la mise sur le marché de l’anneau mensuel, nous travaillons à la mise au point d’un anneau d’une durée d’utilisation de trois mois contenant de la dapivirine uniquement, qui permettrait de réduire les coûts annuels. Si tout se passe bien, nous pourrions déposer les premières demandes d’approbation pour l’anneau trimestriel d’ici à 2023.

Nous développons également un anneau trimestriel contenant de la dapivirine et une hormone contraceptive appelée levonorgestrel, qui pourrait être utile pour les femmes qui souhaitent à la fois un moyen de contraception et une solution de prévention contre le VIH. Cet anneau polyvalent est en cours d’essais de phase I.

À propos de la Journée internationale des femmes et des filles de science

Tout le travail que j’ai accompli pour faire en sorte que l’anneau en soit là aujourd’hui a littéralement changé ma vie. Lorsque je repense à toute l’histoire de cet anneau, qui va se poursuivre avec bientôt la possibilité pour chaque femme de le procurer, je vois une expérience dont on peut tirer de nombreux enseignements. Le premier, c’est que cette innovation axée sur la femme n’aurait pas pu voir le jour sans des femmes passionnées et déterminées (défenseuses des droits, militantes, soignantes, cliniciennes, infirmières, et les milliers de femmes qui ont participé aux différentes études), dont les contributions ont été aussi importantes que celles des scientifiques qui ont mis au point l’anneau en laboratoire. À la manière de scientifiques, elles se sont informées sur la maladie, se sont saisies des questions qui étaient importantes pour elles, ont trouvé des moyens de répondre à ces questions et ont contribué directement aux essais cliniques. En agissant ainsi, ces femmes ont eu une véritable démarche scientifique. C’est en cela qu’on peut dire que cette innovation est le fruit d’un travail réalisé par des femmes et pour les femmes.