Par Philippe François, directeur des achats et de la chaîne d’approvisionnement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

La sixième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, qui aura lieu à Lyon les 9 et 10 octobre 2019, est l’occasion idéale de s’intéresser de plus près à l’un des résultats les plus spectaculaires obtenus par le partenariat depuis sa création en 2002 : 32 millions de vies sauvées ! Ce chiffre renversant est le fruit d’efforts fournis par le vaste éventail d’acteurs qui constituent le Fonds mondial, notamment les gouvernements maîtres d’œuvre, des agences multilatérales, des partenaires bilatéraux, la société civile, les personnes touchées par les maladies et le secteur privé.

Sans nul doute, l’amélioration de l’accès aux traitements est la pierre angulaire de la lutte contre les épidémies. Les ruptures de stock, la mauvaise qualité des médicaments et un approvisionnement insuffisant en fournitures médicales mettent des vies en danger. C’est pourquoi près de la moitié des investissements du Fonds mondial dans des programmes de santé sert à l’achat et à la gestion de médicaments et de produits de santé de qualité garantie. En 2017, ces investissements se sont élevés à environ 2 milliards USD. Dans l’ensemble, les achats réalisés par le Fonds mondial représentent 10 % du marché de la santé publique dans le monde.

Les spécialistes des achats et de la chaîne d’approvisionnement concentrent leurs efforts sur trois services essentiels. Premièrement, nous négocions des contrats à long terme avec nos fournisseurs afin de garantir la disponibilité continue et le coût abordable des médicaments et des produits de santé de qualité garantie. Deuxièmement, grâce à notre plateforme d’achat en ligne Wambo.org, nous offrons à nos partenaires dans les pays bénéficiaires la possibilité de conclure des contrats à long terme, pour leur donner accès à des médicaments de qualité garantie et leur permettre réduire les risques liés à l’achat de médicaments au niveau local. En 2018, nous avons signé des accords-cadres pluriannuels avec des fournisseurs de médicaments anti-VIH qui permettront d’économiser 324 millions USD d’ici 2021 et d’assurer l’approvisionnement de médicaments essentiels à plus de 4 millions de personnes. Enfin, nous travaillons avec les pays bénéficiaires à l’optimisation de l’efficacité de leur chaîne d’approvisionnement, pour que les patients aient vraiment accès aux médicaments. Je crois sincèrement que, dans le domaine de la santé, les chaînes d’approvisionnement doivent être souples et exclusivement orientées vers le patient.

Pour que l’accès aux médicaments et aux technologies indispensables soit amélioré partout, nous avons conçu le mécanisme d’achat groupé, un outil qui permet d’additionner les commandes passées par les bénéficiaires de subvention participants pour négocier les prix et les conditions d’approvisionnement avec les fabricants. Parmi les produits de santé disponibles par le biais du mécanisme, on trouve des médicaments antirétroviraux, des antipaludiques, des moustiquaires imprégnées d’insecticide longue durée, des médicaments essentiels utilisés dans les programmes de lutte contre le VIH et des préservatifs, des tests de charge virale et des tests de dépistage rapide. En 2018, les économies réalisées grâce à notre mécanisme d’achat groupé se sont élevées à 175 millions USD, permettant à nos partenaires d’investir davantage d’argent pour sauver des vies. Les approvisionnements dans les délais et dans leur intégralité sont restés élevés (83 %), ce qui a largement contribué à faire baisser les ruptures de stocks.

Non seulement nous avons progressé dans notre approche en matière d’achat et d’approvisionnement, mais nous avons aussi réussi à faire baisser le prix de fournitures médicales et de médicaments essentiels. En 2000, une année de traitement antirétroviral coûtait plus de 10 000 USD ; aujourd’hui, ce coût est passé à 69 USD par an. La mise en concurrence des médicaments génériques, fabriqués grâce aux licences de santé publique portant sur des produits brevetés, a été déterminante, en particulier pour le VIH. Grâce à l’aide de partenaires tels que le Medicines Patent Pool (MPP), le Fonds mondial a accéléré l’accès à de nouveaux produits-clés dans les pays qu’il soutient. Par exemple, 18,9 millions de personnes ont pu être mises sous traitement antirétroviral contre le VIH en 2018, et plus de 83 % de mères séropositives au VIH ont été placées sous traitement antirétroviral afin d’empêcher la contamination de leur bébé par le virus, contre seulement 1 % en 2000.

En ce qui concerne l’avenir, notre ambition pour les trois prochaines années est de contribuer à sauver 16 millions d’autres vies, de diviser de moitié le taux de mortalité lié aux trois maladies et de bâtir des systèmes de santé plus solides. Nous savons que nous rencontrerons de nombreux défis, mais de réelles opportunités existent. Nous allons devoir continuer de faire baisser le prix des produits médicaux, d’améliorer la sûreté de l’approvisionnement de produits médicaux essentiels, de travailler avec des partenaires tels que le Dispositif mondial pour l’approvisionnement en médicaments, USAID et le MPP pour encourager le recours aux licences volontaires et les communautés de brevets, soutenir l’innovation afin de permettre la création et la diffusion de technologies de santé économiques et de meilleures formulations, et ouvrir les ressources du Fonds mondial, telles que notre plateforme d’achat numérique, aux pays qui gèrent eux-mêmes leurs achats.