– Par Giten Khwairakpam, programme TREAT Asia de l’amfAR

Le DTG, traitement recommandé par l’OMS contre le VIH

Cette année a été celle du changement pour de nombreux patients sous traitement antirétroviral contre le VIH en Asie et dans plusieurs pays à revenus faible et intermédiaire. En effet, beaucoup de malades sont passés des anciens traitements anti-VIH aux traitements de première intention à base de dolutégravir (DTG) recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Pris à une fréquence quotidienne, ces traitements disponibles en version adulte et pédiatrique sont bien tolérés et présentent moins d’interactions avec d’autres médicaments, ce qui facilite l’observance et réduit le risque de développer une résistance.

Les résultats de recherche publiés dans les dernières lignes directrices unifiées de l’OMS pour le VIH montrent également qu’un traitement à base de DTG permet d’obtenir une réduction plus importante de la charge virale chez les personnes qui commencent le traitement avec une charge virale élevée, notamment celles qui ont reçu un diagnostic tardif ou dont le traitement précédent a échoué[1]. Les lignes directrices actuelles de l’OMS recommandent l’usage du DTG chez l’adulte comme chez l’enfant, et aussi bien pour les personnes qui entament un traitement pour la première fois que pour celles qui sont en situation d’échec thérapeutique.

En Thaïlande, 300 000 personnes vivant avec le VIH passent au DTG

Les personnes vivant avec le VIH en Thaïlande sont elles aussi prêtes pour le changement. Entre janvier 2020 et juin 2021, la Thaïlande a acheté plus de 103 300 boîtes de comprimés de DTG 50 Mg et plus de 162 100 boîtes de la combinaison ténofovir/lamivudine/dolutégravir (TLD). Ces quantités correspondent à la prise en charge thérapeutique de 21 800 personnes pendant un an, et d’autres commandes sont prévues.

En mars 2021, en vue d’élargir la distribution de ces médicaments, la Thaïlande a annoncé dans son journal officiel la transition vers le DTG et le TLD, qui figurent à présent sur la Liste nationale des médicaments essentiels. Les patients ont ainsi plus de chances de pouvoir bénéficier de ces médicaments. Le gouvernement prévoit de faire passer 80 % des patients actuellement sous traitement antirétroviral à un traitement à base de DTG avant octobre 2021, ce qui représente environ 300 000 personnes.

En plus des formulations pour adultes, il existe une version pédiatrique dispersible utilisée pour soigner les enfants vivant avec le VIH. Cependant, dans la région Asie/Pacifique (à l’exception de l’Inde), aucun fabricant de génériques titulaire d’une sous-licence n’a déposé de demande d’homologation de ses produits auprès d’une autorité nationale de réglementation des médicaments.
Nous devons intensifier de toute urgence l’approvisionnement de la Thaïlande en DTG et TLD pour que ces traitements soient rapidement accessibles aux patients qui en ont besoin, quel que soit leur âge.

Douze produits bénéficiant d’une approbation réglementaire stricte pourraient être commercialisés en Thaïlande

Grâce à la licence sur le DTG concédée par ViiV Healthcare au MPP, dix fabricants bénéficiaires d’une sous-licence ont pu fournir des versions génériques du DTG préqualifiées par l’OMS et/ou approuvées par la FDA (l’autorité de réglementation des médicaments aux États-Unis. Lorsque des produits font l’objet d’une approbation réglementaire stricte, comme c’est le cas du DTG, il est possible d’accélérer leur homologation en vue de leur utilisation en Thaïlande. Le DTG pour l’adulte n’étant pas protégé par un brevet en Thaïlande, il suffit qu’un produit générique soit homologué par les autorités nationales pour déclencher les processus d’appel d’offres, d’approvisionnement et de distribution sur le territoire national. Toutefois, aujourd’hui, la Thaïlande ne commercialise le DTG adulte que sous une seule marque. Ce manque de concurrence au niveau national a conduit non seulement à une pénurie de médicaments, mais aussi à l’application de prix exorbitants. Par exemple, la formulation adulte du TLD coûte 24 USD par boîte. La question qui se pose est la suivante : pourquoi ne trouve-t-on pas plus de produits à base de DTG homologués en Thaïlande ?

Participation de la Thaïlande à la procédure d’homologation collaborative de l’OMS

Depuis 2018, la Thaïlande participe à la procédure d’homologation collaborative (Collaborative Registration Procedure, CRP) de l’OMS. Elle permet d’accélérer l’accès à des produits préqualifiés par l’OMS grâce au processus d’homologation national, car les informations obtenues lors de la procédure de préqualification peuvent être partagées et utilisées par n’importe quelle autorité nationale de réglementation des médicaments. Pouvoir compter sur les données et les informations existantes permet de réaliser des économies de temps et d’argent et d’obtenir une commercialisation plus rapide des médicaments. L’autorité dispose de 90 jours pour rendre son avis, puis de 30 jours pour faire connaître sa décision à l’OMS et au candidat. Il est crucial que les groupes de la société civile qui agissent en Thaïlande pour le déploiement du DTG aient accès aux informations pays par pays – dans l’idéal directement auprès de l’OMS – concernant les produits en attente d’homologation au travers de la CRP. Ainsi, ces groupes pourront agir en faveur de l’accélération du processus au niveau national et faire en sorte que les personnes qui en ont besoin bénéficient le plus rapidement possible des traitements à base de DTG recommandés par l’OMS.

Exemple : le daclatasvir contre l’hépatite C

À ce jour, le daclatasvir (DAC) générique n’est pas encore homologué en Thaïlande pour le traitement de l’hépatite C. Bien que plusieurs bénéficiaires d’une sous-licence du MPP aient déposé une demande d’homologation au niveau national, la décision n’a pas encore été rendue. Malheureusement, à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas quand l’homologation sera effective, ni quelles sont les formalités restantes pour conclure la procédure. Les médecins tentent de comprendre pourquoi le DAC générique n’est pas encore disponible, contrairement à d’autres antirétroviraux à action directe qu’ils prescrivent. Ce retard engendre des coûts supplémentaires pour le système de santé thaïlandais et empêche les patients d’avoir accès à des traitements efficaces. En attendant l’homologation du DAC, les patients atteints d’hépatite C se voient prescrire du sofosbuvir et du velpatasvir au prix de 750 USD pour un traitement d’une durée de trois mois, alors qu’un traitement à base de sofosbuvir et de daclatasvir coûterait moins de 100 USD. Si le DAC était homologué, la Thaïlande pourrait traiter six fois plus de malades de l’hépatite C qu’elle ne le fait actuellement.

Des plans pour un meilleur accès

La Thaïlande a défini des plans ambitieux pour le déploiement du DTG ; des plans sur lesquels les personnes vivant avec le VIH comptent et dont la réussite dépend de la disponibilité immédiate de médicaments génériques. Savoir quels produits sont en cours d’homologation dans le pays nous permettrait d’atteindre nos objectifs thérapeutiques grâce à des médicaments accessibles et abordables. Pour ce faire, le gouvernement thaïlandais pourrait coopérer plus étroitement avec les fabricants de génériques et les autorités nationales de règlementation pour partager des informations concernant les demandes reçues, afin qu’il soit possible de savoir exactement quels sont les produits en cours d’homologation et à quelle étape en est la procédure. Une autre possibilité pourrait être de reproduire le système de préqualification de l’OMS, qui permettrait, par l’intermédiaire de la procédure d’homologation collaborative de l’OMS, la publication des informations relatives aux produits en cours d’homologation dans différents pays.
L’une des choses que la pandémie de COVID-19 et les 18 derniers mois nous ont enseignées est l’importance, d’une part, de travailler ensemble et de partager les informations et, d’autre part, d’être mieux préparés, plus performants et capables de répondre plus efficacement aux besoins et priorités émergents. Nous devons prendre acte de ces enseignements et les appliquer à tous les domaines de la santé, pour que tous les malades aient accès rapidement aux médicaments dont ils ont besoin.
Giten est actuellement responsable des programmes politiques et communautaires au sein du programme TREAT Asia de l’amfAR à Bangkok (Thaïlande). Il travaille à l’amélioration de l’accès aux traitements contre le VIH et l’hépatite C et défend la réduction des prix, l’intensification de la riposte nationale et l’amélioration des procédures réglementaires relatives aux antiviraux à action directe en Asie du Sud et du Sud-Est. Giten est membre du Comité consultatif d’experts du MPP.

[1] OMS : Lignes directrices unifiées sur la prévention, le diagnostic, le traitement, la prestation de service et le suivi du VIH – Recommandations pour une approche de santé publique – juillet 2021