Continuer de vivre avec la COVID-19 – une situation qui dure
7 avril 2021
Letty Kolisi, Mary Brien et Florence Madikane
À propos de Kheth’Impilo
Kheth’Impilo AIDS Free Living, une organisation nationale à but non lucratif, est le chef de file dans le domaine de l’innovation en matière de santé publique. Elle fait partie des quelques organisations qui ont réussi à intégrer les questions de santé, d’aide sociale et d’éducation pour proposer une approche globale du développement. La vision de l’organisation, à savoir « un monde où la santé et le bien-être de tous sont favorisés, protégés et entretenus », est appuyée par sa mission qui consiste à « aider les individus, les familles, les communautés, les organisations non gouvernementales et les États à atteindre leurs objectifs de développement de manière durable ». L’organisation se concentre sur la mise en œuvre effective d’interventions et de solutions réalistes et atteignables qui visent à répondre aux besoins des personnes vivant avec le VIH.
À propos de chaque agent de santé communautaire
– Florence Madikane, coordinatrice : cela fait neuf ans que Florence travaille au sein de cette communauté, dans la sous-structure de Khayelitsha Eastern. En mai 2020, elle a été diagnostiquée positive à la COVID-19 et s’est isolée.
– Letty Kolisi, agent de santé communautaire, effectue 20 visites à domicile chaque jour. Les agents de santé communautaires travaillent en équipes de deux pour des raisons de sécurité.
– Mary Brien, infirmière diplômée, travaille dans le township de Mfuleni, en Afrique du Sud. Elle effectue des tests de dépistage de la COVID-19 et réoriente les patients si nécessaire.
En mars 2020, les bénéficiaires de sous-licence du MPP avaient fourni à l’Afrique du Sud 4 698 150 patients-années de traitement contre le VIH et 1 965 traitements contre l’hépatite C (chiffres cumulés depuis le début de la commercialisation). Consultez la carte interactive du MPP pour connaître la disponibilité des produits sous licence du MPP en Afrique du Sud et ailleurs.
– Par des agents de santé communautaires de première ligne (Florence Madikane, coordinatrice ; Letty Kolisi, agent de santé communautaire, et Mary Brien, infirmière diplômée), qui travaillent dans le township (quartier pauvre) de Mfuleni, Afrique du Sud.
Le confinement : une option inenvisageable pour les prestataires de soins de santé
Lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté, et que les mesures de restriction ont été mises en place, ça a été très difficile pour nous. Du jour au lendemain, tout le monde a dû rester à la maison. Notre travail consiste à faire des visites et des soins à domicile, à laver les personnes qui en ont besoin et à distribuer des médicaments pour toutes sortes de maladies, telles que le VIH, la tuberculose, l’hypertension, le cancer, etc. Nous sommes aussi chargées de donner des informations et des conseils pour bien respecter les prescriptions. Vous comprenez le problème : le gouvernement nous demandait de rester chez nous, mais nous ne pouvions pas. Nos patients avaient besoin de nous et de leurs médicaments. Nous sommes des travailleurs de première ligne.
Nous travaillons à Mfuleni, un township situé dans la sous-structure de Khayelitsha Eastern, à environ 32 kilomètres du Cap. Ici, nous comptons plus de 170 agents de santé communautaires, mais aussi des conseillers et des infirmiers qui travaillent dans des établissements, tous chargés d’apporter des soins à notre communauté. Nous nous occupons d’une zone densément peuplée, de plus de 52 000 personnes, qui comptent sur les soins et les traitements offerts par l’État. Au début de la pandémie, 80 000 agents de santé ont été mobilisés par le gouvernement sud-africain, qui a vite compris qu’il était important pour la communauté de maintenir les soins et les services. Avec l’aide de Kheth’Impilo, une organisation non gouvernementale qui propose une approche innovante des soins cliniques et des services de santé, associant renforcement des systèmes communautaires et sanitaires et facilitation sociale, nous avons pu adapter notre mode de travail. Nous avons de la chance que ce soit l’État qui nous fournisse les médicaments. Tout ce que nous avons eu à faire, c’est trouver le moyen de les faire parvenir aux patients.
Une mission axée sur la distribution de médicaments et la sensibilisation à la COVID-19
Pour ce qui est des patients atteints de VIH, qui ne peuvent absolument pas rester sans traitement, nos équipes devaient se rendre en personne à leur domicile et leur apporter les soins nécessaires. Nous avons plusieurs patients qui vivent seuls et, tout à coup, nous ne pouvions plus aller les voir pour leur apporter les soins dont ils ont besoin. Face à cette situation, nous n’avons eu d’autre choix que de nous adapter. Nous avons modifié nos activités pour nous concentrer sur la distribution de médicaments et la sensibilisation de la communauté à la pandémie de COVID-19. Un des problèmes que nous avons rencontrés était que les patients ne voulaient plus nous laisser entrer chez eux pour les soigner. Tout le monde avait peur, parce qu’on ne savait pas qui avait la COVID-19 et qui ne l’avait pas. Nous avons aussi dû beaucoup former le personnel. Il faut comprendre que, pour qu’un soignant puisse faire son travail convenablement, il doit avoir le plus d’informations possible sur la maladie. Sur ce point, Kheth’Impilo a joué un rôle essentiel en nous formant. Nous avons compris toutes les mesures à mettre en place pour nous protéger de ce virus et continuer de faire notre travail.
Chaque jour, les agents communautaires se rendent chez les patients à pied pour leur apporter leurs médicaments, et peuvent visiter jusqu’à 20 personnes dans la journée. Désormais, parce que nous savons mieux comment nous protéger du virus, les gens acceptent davantage notre présence chez eux. Nous leur expliquons comment utiliser leur masque et le gel hydroalcoolique. Lorsque nous apportons les paquets et les médicaments, nous proposons aussi un test d’orientation de la COVID-19 ; s’il est positif, nous redirigeons les personnes vers l’hôpital de jour pour qu’elles se fassent dépister. Si l’hôpital les renvoie chez elles, nous mettons en place un suivi et nous nous assurons qu’elles vont bien. Le gouvernement a également créé des structures spéciales pour que les malades puissent s’isoler s’ils n’ont pas la possibilité de le faire chez eux. Il n’y a pas de traitement pour les patients à domicile, seulement des comprimés pour le mal de tête, et des inhalateurs et des stéroïdes pour les asthmatiques. C’est très triste de voir tous ces décès et, à cause des restrictions, nous n’avons pas pu enterrer nos morts comme nous avons l’habitude de le faire. Beaucoup de personnes ont besoin d’être accompagnées.
Effets collatéraux de la COVID-19
Nous sommes également les premiers témoins des effets de la pandémie sur la communauté. Beaucoup d’habitants du township sont des travailleurs domestiques et des jardiniers. Lors du premier confinement strict, en mars 2020, beaucoup d’entre eux ont perdu leur travail. Privés de ressources, ils ne pouvaient pas rester confinés chez eux car ils devaient absolument trouver de l’argent pour nourrir leur famille. Ça les a mis en danger. Aujourd’hui, les difficultés sont nombreuses, le taux de chômage reste élevé et la criminalité est très répandue dans les environs. La violence fondée sur le genre a augmenté, de même que la consommation d’alcool et de drogue. Nous voyons aussi de plus en plus de gens contracter d’autres maladies. Les taux d’infection augmentent. Par exemple, des personnes atteintes du VIH consultent tard et sont très mal en point ; elles sont extrêmement pauvres, et nous n’avons pas les moyens de les nourrir. Certains patients ne prennent pas bien leur traitement ; ils ne veulent pas faire la queue dans les longues files d’attente devant les centres médicaux. Pour les aider, nous essayons de savoir où ils habitent pour les retrouver, mais souvent l’adresse n’est plus bonne, car ils n’avaient plus les moyens de rester après avoir perdu leur emploi. Le nombre d’habitations de fortune est également en augmentation ; ce sont souvent des cabanes construites dans la précipitation, sans sanitaires, où on peut trouver jusqu’à six personnes dans une petite pièce. Dans ces cas-là, les personnes n’ont pas d’adresse officielle et nous ne pouvons pas les retrouver. Beaucoup sont aussi sortis de la zone géographique que nous couvrons.
L’espoir de voir arriver les vaccins et des traitements contre la COVID-19
Nous espérons, comme le reste du monde, que les vaccins seront bientôt largement disponibles dans notre pays et notre quartier. Bon nombre de nos agents de santé de première ligne ont déjà attrapé la COVID-19 mais, jusqu’à présent, seuls quelques-uns ont été vaccinés. Nous espérons aussi que de meilleures options thérapeutiques contre la COVID-19 verront le jour pour que nous puissions avoir quelque chose à proposer à nos patients à domicile, et nous comptons sur le MPP, qui a déjà permis à l’Afrique du Sud d’obtenir tant de médicaments contre le VIH grâce aux licences volontaires, pour faire évoluer les choses. Nous mesurons notre chance d’avoir des médicaments de qualité pour nos patients. L’année qui vient de s’écouler a été un parcours semé d’embuches, et cette situation dure. En cette Journée mondiale de la santé 2021, nos souhaits sont de voir arriver la fin de cette pandémie, de rétablir les acquis en matière d’accès aux soins à Mfuleni et de reconstruire ce que nous avions en mieux, pour que davantage de patients puissent jouir d’une bonne santé et de conditions de vie plus sûres.