Ending TB with communities at the centre-stage

Placer les communautés au premier plan de l’éradication de la tuberculose

“Si de plus en plus de fabricants de princeps pouvaient octroyer une licence volontaire par l’intermédiaire du Medicines Patent Pool et ainsi favoriser un marché du générique concurrentiel, la lutte contre la tuberculose en serait transformée.”

Placer les communautés au premier plan de l’éradication de la tuberculose

Depuis plus de 20 ans, Wim Vandevelde se consacre entièrement au plaidoyer en faveur des traitements contre le VIH, l’hépatite et la tuberculose, de la sensibilisation et de la participation des communautés à la recherche médicale. Il a été membre du conseil d’administration d’organisations à assise communautaire, telles que European AIDS Treatment Group (EATG), Grupo de Ativistas em Tratamentos (GAT) et Global Coalition of TB Activists (GCTA). Il travaille actuellement à GNP+ et il est l’ancien président de Global TB Community Advisory Board. Il est également agent de liaison pour la délégation des communautés de Unitaid, et membre du Comité d’experts consultatifs du MPP depuis plus de dix ans.

– Par Wim Vandevelde, GNP+, Global TB Community Advisory Board (conseil consultatif communautaire mondial de la tuberculose)

Il y a vingt ans, le militantisme en faveur de la lutte contre la tuberculose était presque inexistant ; les traitements employés étaient ceux mis au point 50 ans plus tôt ; les programmes de santé manquaient de financement, et l’activisme en faveur du traitement, quand il existait, était porté par quelques individus isolés. Depuis, les choses ont changé : l’innovation a donné naissance à de nouveaux traitements, les investissements ont augmenté, et la lutte contre la tuberculose se place peu à peu parmi les priorités de la santé mondiale. Depuis les années 1990, le nombre de décès dus à la tuberculose a diminué de moitié. Mais en dépit des progrès accomplis, 4 500 personnes meurent encore chaque jour de la tuberculose, un chiffre qui se maintient depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, la société civile s’intéresse à la mise au point de technologies de santé et de traitements contre la COVID-19, tout comme notre communauté, il y a 15 ans, a suivi l’apparition de nouveaux traitements contre la tuberculose et reconnu l’absolue nécessité de faire entendre notre voix et de contribuer à la recherche et au développement. Comprendre cela a été la première étape du chemin qui a mené à la création, en 2011, de Global TB Community Advisory Board (conseil consultatif communautaire mondial de la tuberculose)[1].

Depuis 2005, la situation a vraiment évolué pour le mieux. Aujourd’hui, le rôle des communautés et de la société civile dans la lutte contre la tuberculose est largement reconnu. Il y a 15 ans, nos voix ne trouvaient pas d’écho. Notre avis était uniquement sollicité en aval, à propos de projets liés à la prestation des services au sein de la communauté. Nous avions rarement notre mot à dire en amont, au sein des groupes qui prenaient les décisions relatives aux médicaments et aux traitements nécessaires, à la manière dont ils devaient être utilisés et à la raison pour laquelle ils étaient les mieux adaptés aux personnes qui allaient les prendre, là où ils seraient distribués. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Toutes les organisations ou presque travaillent main dans la main avec les communautés touchées par la maladie. Le combat a indéniablement été long, et il a fallu du temps pour en arriver là. Cette année, l’annonce par la conférence de l’Union de la mise en place de tarifs préférentiels pour les représentants des communautés touchées illustre ce changement et la place accordée aujourd’hui à notre opinion. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Grâce à la croissance de l’intérêt et des financements en faveur de la lutte contre la tuberculose, différents composés sont nés de l’innovation et font aujourd’hui l’objet d’études avant d’être, espérons-le, approuvés. Le traitement utilisé contre la tuberculose multirésistante a connu de profonds changements. Encore récemment, celui-ci se composait de plus de 14 000 comprimés étalés sur presque deux ans, et d’injections douloureuses à réaliser chaque jour pendant six mois. Le bilan et le taux de mortalité de la tuberculose multirésistante et de la tuberculose ultra-résistante ont été terribles ; la nécessité de découvrir des nouveaux composés et traitements était donc plus urgente que jamais. Ces dix dernières années, des résultats ont enfin été obtenus et la situation est meilleure aujourd’hui. De nouvelles molécules sont en cours de développement, tout comme des traitements améliorés. Les avancées dans le domaine de la lutte contre le paludisme restent moins importantes que pour d’autres maladies mais, si on regarde en arrière, de beaux progrès ont été réalisés en l’espace de dix ans.

Aujourd’hui, nous disposons de nouveaux médicaments contre la tuberculose multirésistante, et l’OMS met régulièrement à jour ses directives. Les traitements n’exigent plus d’avoir recours à des injections douloureuses, que tant de patients redoutaient, et qui entraînaient des effets secondaires handicapants comme la perte d’audition, en particulier chez les personnes vivant avec le VIH[2]. Les directives de l’OMS ont mis ces molécules sur le devant de la scène et en haut de la liste des priorités. Pourtant, dans beaucoup de pays, l’accès aux traitements reste entravé. Nombre de pays ne peuvent simplement pas payer le prix élevé de ces nouveaux traitements, qui constitue l’un des obstacles majeurs à l’accès. C’est le cas de la bédaquiline qui, malgré l’annonce récente d’une baisse de son prix par son unique fabricant pour les pays à revenu faible et intermédiaire, reste inaccessible pour les pays dont le budget pour la santé est restreint.

C’est là que le Medicines Patent Pool (MPP) peut intervenir et changer des vies. Le MPP a joué un rôle central, en particulier dans la lutte contre le VIH et l’hépatite C, en faisant en sorte que les nouveaux médicaments commercialisés sur le marché mondial soient aussi accessibles pour les personnes vivant dans des pays à revenu faible et intermédiaire dans les délais les plus courts possible. Cependant, la tuberculose a été laissée sur le bord du chemin, comme toujours. Et c’est regrettable, car je crois vraiment que la mise en commun de brevets pourrait avoir un impact considérable. Et encore plus aujourd’hui, dans le contexte de la COVID-19, quand les coupes budgétaires subie par la lutte contre la tuberculose entravent encore davantage l’accès aux médicaments de princeps trop coûteux. Des médicaments génériques abordables de qualité garantie renforceraient grandement l’impact de la lutte contre la maladie. Concernant la licence relative à la tuberculose que le MPP détient, pour le sutézolid, je pense qu’elle pourrait permettre de procéder rapidement aux essais cliniques adaptés dont cette molécule a été privée jusque-là. Alors oui, si de plus en plus de fabricants de princeps pouvaient octroyer une licence volontaire par l’intermédiaire du Medicines Patent Pool et ainsi favoriser un marché du générique concurrentiel, la lutte contre la tuberculose en serait transformée.

La COVID-19 a exposé au grand jour les profondes inégalités qui existaient déjà dans nos sociétés, et a accentué la fragilité des communautés touchées et des populations vulnérables qui se trouvaient déjà en marge de nos systèmes de santé. C’est pourquoi, alors que nous risquons de perdre les avancées durement accomplies dans la lutte contre la tuberculose, nous pouvons utiliser les leçons tirées de notre combat pour les appliquer aux interventions contre la COVID-19, entre autres pour la mise au point de produits, la prestation de services ou les programmes de sensibilisation des communautés. Une intensification des investissements dans la lutte contre la tuberculose permettra non seulement de protéger les 10 millions de personnes qui contractent cette maladie redoutable chaque année[3], mais également de mieux nous préparer aux futures menaces de pandémies, et pas seulement à celle de la COVID-19.

Pour le futur, je souhaite que les essais cliniques soient optimisés et que la société civile participe davantage à leur conception. Je souhaite que les dix années à venir nous apportent la possibilité de comparer les traitements afin de déterminer précisément l’efficacité de chaque composé, et que toutes les populations vulnérables, dont les enfants, les femmes enceintes et les personnes vivant avec le VIH, puissent bénéficier des meilleures combinaisons. La société civile, dont fait partie l’organisation que je représente, continuera le combat contre la tuberculose, pour que chacun, où qu’il soit, puisse accéder au meilleur traitement possible, et pour que nous parvenions à éradiquer cette maladie.

Placer les communautés au premier plan de l’éradication de la tuberculose


[1] Global Tuberculosis Community Advisory Board (TB CAB)
[2] Increased risk of aminoglycoside-induced hearing loss in MDR-TB patients with HIV coinfection, National Institute of Health
[3] Tuberculose, Organisation mondiale de la Santé