Environ 20% des personnes touchées par le VIH dans le monde vivent en Afrique du Sud[1],[2].
C’est aussi dans ce pays qu’a été déployé le plus vaste programme de traitement par antirétroviraux, et sur les 24,5 millions de personnes traitées par des antirétroviraux dans le monde, 5 millions vivent en Afrique du Sud[3].
Notre programme de traitement est en grande partie financé par des ressources nationales. Les quantités d’antirétroviraux en jeu sont inimaginables pour d’autres pays. Pour répondre à notre besoin considérable, un marché concurrentiel est absolument indispensable ; aujourd’hui, grâce au Medicines Patent Pool (MPP), nous l’avons.

Cliquez sur la carte pour visualiser les licences et l’approvisionnement de l’Afrique du Sud en antirétroviraux.

– Par Precious Matsoso, ancienne directrice générale du Département national de la santé d’Afrique du Sud

Depuis 1997, époque à laquelle notre pays n’avait pas encore accès à des traitements et où des milliers de personnes mouraient du sida, nous explorons les différentes protections offertes par les flexibilités de l’Accord sur les ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce). L’Afrique du Sud a modifié sa législation afin de faciliter la concurrence des génériques, le but étant de faciliter l’accès à des traitements abordables. Ces mesures ont été contestées devant la justice par des détenteurs de princeps mais, grâce à la solidarité internationale, les plaintes ont été retirées. C’est ainsi que la bataille pour l’accès aux traitements contre le VIH a commencé en Afrique du Sud.

L’idée de créer une communauté de brevets dans le domaine des médicaments, basée sur le modèle de celles qui existent dans le domaine de l’aviation, de la musique et de la machinerie textile, a commencé à germer en 2009. Un an plus tard, grâce au soutien financier d’Unitaid, le Medicines Patent Pool a vu le jour. Incluse dans toutes les licences du MPP, l’Afrique du Sud dispose aujourd’hui de 15 traitements anti-VIH pour les patients qui en ont besoin dans le pays.

Le MPP est une réussite du point de vue à la fois de l’innovation et de la disponibilité des traitements. Grâce à son action, il encourage les fabricants à mettre au point des combinaisons à dose fixe plus efficaces, ce qui contribue à réduire la quantité de comprimés et à améliorer l’observance des traitements, ou des formulations pédiatriques faciles à administrer aux enfants et avec des dosages adaptés. Par ailleurs, grâce à son mécanisme de licences volontaires, le MPP facilite la commercialisation d’antirétroviraux de qualité.

Notre dernière victoire, qui date de novembre dernier, est le déploiement dans toute l’Afrique du Sud de nouvelles combinaisons à base de dolutégravir (ténofovir/lamivudine/dolutégravir ou TLD)[4]. Ces médicaments sont recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en tant que traitements de première et deuxième intentions privilégiés pour les personnes vivant avec le VIH, car ils sont mieux tolérés et ont moins d’effets secondaires. Notre pays possède sa propre autorité de règlementation et ses propres orientations nationales, et le MPP a joué un rôle important en contribuant à l’enregistrement des produits.

Toutefois, si nous voulons atteindre l’objectif fixé par l’ONUSIDA de « 90 % de personnes infectées par le VIH dépistées recevant un traitement antirétroviral durable », nous devons encore placer 1,2 millions de personnes sous traitement. Nous devons faire en sorte que ces meilleurs traitements soient accessibles à tous ceux qui en ont besoin, même si nous savons que, malgré les progrès, des obstacles perdurent, parmi lesquels la stigmatisation des patients et le manque d’accès aux services et aux tests de dépistage.

Parmi les obstacles à l’accès aux antirétroviraux, on trouve également le prix. En Afrique du Sud, les prix des médicaments étaient très élevés, en particulier ceux des antirétroviraux. En 2010, le coût annuel d’un traitement de première intention était de 250USD[5], et celui d’un traitement deuxième intention pouvait atteindre 850USD. En juin 2020, grâce aux efforts considérables de nos partenaires, dont le MPP, la combinaison à dose fixe à base de dolutégravir ne coûte plus que 4,33USD par mois, soit un peu plus de 50USD par an.

Aujourd’hui, alors que nous nous réjouissons des progrès accomplis dans le cadre du plus vaste programme de traitement contre le VIH du monde, et que nous continuons de permettre aux plus vulnérables de se soigner, nous devons tirer les enseignements qui s’imposent concernant la disponibilité et le prix des traitements et les appliquer à d’autres menaces pour la santé publique, telles que le cancer ou le diabète. De la même manière, face à l’épidémie mondiale de COVID-19, nous devons tirer les leçons de notre passé, pour que personne ne soit laissé sur le bord du chemin.

 

À propos de Precious Matsoso:

Mme Matsoso a été directrice générale du Département national de la santé d’Afrique du Sud entre juin 2010 et 2019. Avant cela, elle avait été responsable de la Stratégie mondiale et du Plan d’action de l’OMS pour la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle. Actuellement, elle est membre d’honneur du Comité consultatif indépendant de surveillance pour le Programme OMS de gestion des situations d’urgence sanitaire. Elle est chargée de superviser et de contrôler l’évolution et les résultats du programme, ainsi que son financement.

 


[1] ONUSIDA : Fiche d’information 2019 — Dernières statistiques sur l’état de l’épidémie de sida

[2] ONUSIDA : Fiche pays – Afrique du Sud

[3] ONUSIDA : AIDSinfo

[4] En concluant des accords de licence axés sur la santé publique avec ViiV Healthcare en 2014, le MPP a facilité l’accès rapide à des versions abordables et de qualité garantie du DTG et de combinaisons qui en contiennent, notamment le TLD. (Accéder à notre Rapport de développement 2017-mars 2020 sur la mise en place des licences DTG, disponible en anglais, afin d’obtenir plus d’informations sur les produits à base de DTG développés et vendus). 
En Afrique du Sud, tout nouveau patient diagnostiqué comme porteur du VIH ou toute personne suivant un traitement à base de TEE (ténofovir/emtricitabine/éfavirenz), ou dont la charge virale est indétectable depuis au moins six mois, se verra proposer du TLD, une combinaison à dose fixe innovante à base de fumarate de ténofovir disoproxil, de lamivudine et de DTG.

[5] Organisation mondiale de la Santé, South Africa HIV Country Profile: 2016 (pour un traitement à base de ténofovir)