Nadia Adingra est directrice d’ ICW (de son acronyme en anglais : « International Community Women living with HIV ») Côte d’Ivoire. Elle est membre fondatrice de la COF+CI (Coalition des Organisations de Femmes vivant avec le VIH Côte d’Ivoire) et représente AfroCAB. Nadia a découvert qu’elle est porteuse du VIH alors qu’elle était enceinte de sa fille qui a maintenant 17 ans.

La Côte d’Ivoire compte environ 380 000 personnes vivant avec le VIH dont 18 000 enfants (0-14 ans) dont seulement 54% reçoivent un traitement antirétroviral[1].

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– Nadia Adingra, directrice d’ ICW (de son acronyme en anglais : « International Community Women living with HIV ») Côte d’Ivoire

L’arrivée du dolutégravir 10 mg

Pendant de nombreuses années, les enfants vivant avec le VIH dans les pays à revenus faible et intermédiaires comme la Côte d’Ivoire, n’ont eu accès qu’à des antirétroviraux sous optimaux, difficiles à faire avaler à cause de leur mauvais goût ou à cause de leur formulation non adaptée (comprimé de grande taille difficile à avaler).

En 2021, l’Organisation mondiale de la santé a publié une version consolidée de ses recommandations sur l’utilisation des régimes antirétroviraux pour traiter et prévenir l’infection par le VIH. Ces lignes directrices recommandent un régime à base de dolutégravir (DTG) comme schéma thérapeutique de première et deuxième intention à privilégier chez les enfants dont l’âge et le poids correspondent à un dosage DTG approuvé, à partir de quatre semaines de vie et de trois kilogrammes. Le DTG fait l’objet d’un accord de licence entre le MPP et ViiV Healthcare depuis 2014, ce qui permet aux fabricants de médicaments génériques de produire des versions à faible coût de DTG à usage pédiatrique dans 123 pays.

Le DTG pédiatrique, en comprimé dispersible à casser de 10 milligrammes offre de nombreux atouts : il est plus efficace, mieux toléré, plus facile à administrer grâce à sa possible dissolution dans un liquide, et est mieux accepté par les enfants grâce à son goût de fraise plus attrayant.

En novembre 2020, l’agence du médicament américaine, la Food and Drug Administration (FDA), a donné son feu vert pour l’utilisation du DTG 10 mg chez les enfants. En décembre 2020, Unitaid a annoncé que le prix de ce nouveau traitement serait d’environ USD 36 par an et par enfant (comparé à environ 400 USD pour le traitement précédemment disponible), après un accord entre la Clinton Health Access Initiative (CHAI) et les fabricants de génériques, sous-licenciés du MPP Viatris et Macleods. Dans le cadre de ce travail, CHAI, avec le financement de Unitaid et en partenariat avec ViiV Healthcare, a fourni un nouveau programme d’incitation au développement et une stratégie réglementaire innovante pour accélérer le développement et l’approbation réglementaire d’un produit DTG pédiatrique générique, qui comprenait un support technique à ces fabricants de génériques pour soutenir le développement de cette nouvelle formulation.

Une démarche partenariale pour l’accès au dolutégravir pédiatrique 10 mg en Côte d’Ivoire

En 2020, Unitaid et CHAI ont approché l’organisation Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation (EGPAF) pour s’associer dans le cadre du projet CHAI-Unitaid Optimal, qui met l’accent sur l’accélération de l’accès à des schémas thérapeutiques pédiatriques optimaux. Cette collaboration s’est appuyé sur le travail pédiatrique d’EGPAF précédemment financé par Unitaid dans le cadre du projet SPAAN (de son acronyme en anglais : « Securing Pediatric ARV Access Now »). La Côte d’Ivoire était un des pays partenaires dans le cadre du projet SPAAN et a rejoint tout naturellement le projet Optimal en 2020. L’objectif principal du projet était de soutenir l’adoption et le déploiement de produits antirétroviraux optimaux pour les enfants et générer de la demande auprès des populations qui en ont le plus besoin en travaillant en partenariat avec Afrocab par le biais du Conseil consultatif communautaire optimal. Le projet avait reçu l’appui du gouvernement de Côte d’Ivoire.

Le rôle de Nadia était d’expliquer les bienfaits du DTG 10 mg auprès des mamans et du gouvernement :

« Il a fallu montrer que le produit pouvait vraiment changer la vie des enfants dont la charge virale avait du mal à être supprimée. A cette époque, seulement le lopinavir/ritonavir sous forme de granules ou en sirop était disponible pour le traitement du VIH chez les enfants. C’était un traitement efficace mais difficile à administrer aux plus jeunes du fait notamment de son goût amer. Les enfants ne pouvait pas être gardés par des tierces parce qu’il fallait bien mesurer le produit. L’arrivée du DTG 10 mg a permis une administration plus simple puisqu’il s’agit d’un comprimé sécable à dissoudre dans l’eau. »

Les stratégies d’intervention du projet Optimal sont multiples comme l’implication de la communauté dans la mise en œuvre du projet à travers des réunions d’information au sein des communautés ; la formation de « mères mentors » sur le DTG 10 mg ; divers matériels didactiques ciblés pour les membres de la communauté et des campagnes média (notamment radio et vidéo > exemple ici) de sensibilisation sur l’utilisation du DTG 10 mg ; des plaidoyers auprès des autorités sanitaires et politiques ; et l’évaluations des services offerts à travers les témoignages dans des groupes de discussion.

« Nous avons alors organisé des groupes de discussion à travers la Côte d’Ivoire. Ce qui en est ressorti c’est que les mamans sont soulagées parce que le médicament est plus facile à prendre : une seule prise par jour et c’est flexible dans la journée. Le comprimé est sécable donc il peut se casser en deux et se dissoudre dans l’eau. Il a un gout de crème à la fraise. Ce qui est génial c’est que les enfants maintenant réclament leur médicament. »

L’accès au DTG 10 mg et les résultats en Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire a été l’un des 10 premiers pays, avec le Bénin, la République Démocratique du Congo, Haïti, le Kenya, le Malawi, le Nigéria, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, à commander et recevoir des boites de DTG 10 mg (de 90 comprimés chacune) dès début 2021. Au début seuls les enfants entre 3 et 20 kg nouvellement dépistés ont été mis sous DTG 10 mg. Ensuite, à partir de décembre 2021, le gouvernement a transféré tous les enfants entre 3 et 20 kg sur le DTG 10 mg. Au total plus de 45 000 boites de 90 comprimés avaient été reçues à la fin décembre 2021, suivies de plus de 30 000 en août 2022.

« Grâce à ce nouveau médicament, la suppression virale chez les enfants de Côte d’Ivoire qui prennent le traitement à base de DTG 10 mg atteint jusqu’à 84 % alors qu’avant elle était de 25 % avec le traitement précédent (à base de lopinavir/ritonavir, LPV/r). »

Quelques points clefs :

  • Le DTG 10 mg a été ajouté au plan d’approvisionnement en ARV de la Côte d’Ivoire en décembre 2020
  • Le DTG 10 mg est inscrit dans les directives nationales de Côte d’Ivoire depuis juin 2021.
  • Environ 2 952 (83 %) des 3 566 enfants éligibles de moins de 20 kg bénéficient du DTG 10 mg dans le cadre du projet Optimal en Côte d’Ivoire (source EGPAF, décembre 2022).
  • Il existe maintenant des modèles de soins différenciés pour les enfants de moins de 5 ans.
  • Les ruptures de stock sont très rares, voire inexistantes.

« Ne relâchons pas nos efforts ! »

Il faut maintenant que l’accès au DTG 10 mg soit étendu à l’ensemble de la Côte d’Ivoire et du continent africain, et les dernières données provenant des fabricants de génériques sous-licenciés du MPP (datant de septembre 2022) montrent que 45 des 54 pays du continent ont déjà entamé leur processus de transition vers le DTG 10 mg.

« Le VIH est encore une infection très présente dans nos sociétés mais on n’en parle moins qu’avant. Il ne faut pas cesser de sensibiliser, notamment les jeunes générations, aux modes de transmission de cette maladie et leur proposer un éventail de choix pour se protéger, des tests et des traitements adaptés. »

En plus de soutenir la transition vers le DTG 10 mg, AfroCAB poursuit ses actions de plaidoyer pour l’adoption du cabotégravir à action prolongée pour la PrEP (de son acronyme en anglais : pre-exposure prophylaxis), le MPP ayant récemment signé un accord de licence avec ViiV Healthcare sur ce produit, et travaillant au sein d’un consortium internationale pour y accélérer l’accès.

Démarches au niveau international

Pour assurer à tous les enfants une transition sûre et efficace vers le DTG pédiatrique, une équipe spéciale sur le DTG pédiatrique du réseau GAP-f (de son acronyme en anglais : Global Accelerator for Paediatric Formulations) a développé un communiqué pour les programmes nationaux de lutte contre le VIH, les partenaires de mise en œuvre et les prestataires de services. Ces considérations sont consultables en ligne ici.

GAP-f l’accélérateur mondial pour les formulations pédiatriques, est un réseau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ayant pour mission de combler l’écart en matière de traitement pédiatrique. GAP-f offre un mécanisme viable permettant de développer des formulations pédiatriques mieux adaptées, plus sûres, plus efficaces et plus durables et de les mettre à la disposition des enfants à un rythme accéléré, ce à travers différentes maladies, basé sur la vaste expérience provenant du VIH pédiatrique, telle que discutée dans cet article.

[1]Données 2021 de l’ONUSIDA > https://www.unaids.org/en/regionscountries/countries/ctedivoire