Réduire les inégalités de santé au Rwanda : une réponse communautaire au VIH et à la réduction des risques

Niché sur les collines du quartier de Nyamirambo à Kigali, le centre d’intervention de la Health Development Initiative (HDI) se dresse comme un discret symbole de compassion. Une enseigne audacieuse marque l’entrée : « Centre d’intervention – Appel gratuit : 3530. » À l’intérieur, les sols rouges brillent, le personnel vous accueille en blouse blanche et avec le sourire ; tous ont été formés pour être sensibles aux besoins de leurs bénéficiaires. Une grande fresque violette rappelle à chaque visiteur : « La réduction des risques sauve des vies. »

Les progrès du Rwanda en matière de santé publique sont impressionnants : le pays a atteint les objectifs 95-95-95 de l’ONUSIDA, ce qui signifie que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, 95 % de celles diagnostiquées sont sous traitement, et 95 % de celles sous traitement ont une charge virale indétectable. Ce qui place le Rwanda parmi les sept pays ayant atteint cette étape remarquable. On estime que 240 000 personnes — adultes et enfants — vivent actuellement avec le VIH. Mais derrière ces chiffres se cache le travail essentiel d’organisations communautaires comme la HDI, qui veillent à ce que les personnes les plus marginalisées ne soient pas laissées de côté.

De la vision à l’action : l’histoire de HDI

Fondée en 2005 par des étudiants en médecine, la HDI est devenue une organisation de référence en matière de santé et de droits humains, plaidant pour une réforme des politiques publiques et la création d’espaces de soins sans stigmatisation. L’organisation gère aujourd’hui trois centres d’intervention à travers le Rwanda, répond à plus de 70 000 jeunes par an via sa ligne d’écoute, et à des milliers d’autres en proposant des dépistages et des conseils en personne.

Bien que le travail du sexe n’ait été effectivement dépénalisé qu’en 2017, le Rwanda n’a jamais criminalisé les relations consensuelles entre personnes de même sexe — une exception juridique dans la région. La HDI a joué un rôle actif à ce sujet, essentiel pour élargir l’accès aux services liés au VIH. L’organisation défend également la réduction des risques pour les personnes qui consomment des drogues, une population particulièrement concernée compte tenu de l’augmentation de l’usage d’héroïne dans le pays. Bien que l’usage de drogues reste criminalisé et que les programmes d’échange de seringues ne soient pas encore autorisés, la HDI continue de plaider pour des réformes, en établissant des passerelles avec les forces de l’ordre et le ministère de la Justice. Grâce à des activités menées par des pairs, des conseils psychosociaux, une aide juridique et des orientations vers des soins de santé mentale et VIH, HDI fournit des services vitaux tout en promouvant une approche fondée sur les droits humains de la réduction des risques.

IAS 2025, the 13th IAS Conference on HIV Science. Kigali, Rwanda. Monday 14 July 2025. Media site visitrrIn the photo: Umumararungu Sylvie, a sex worker and client seeking HIV testing and other services at Health Development Initiative (HDI), poses for a photo. ©Jean Bizimana/IAS

Paroles de travailleuses du sexe : la réalité du terrain

Lors d’une récente table ronde organisée par la HDI, un groupe de femmes a partagé sans filtre leurs expériences du travail du sexe, de la sécurité, de la stigmatisation — et de l’accès aux soins.

« Cela peut arriver deux fois par semaine : c’est à cette fréquence que nous subissons des violences physiques. Mais parfois, c’est pire. Vous allez chez un homme en pensant qu’il est seul… et vous trouvez quatre hommes qui vous attendent. Il n’y a rien que vous puissiez faire. » Une autre participante explique que même lorsqu’elles signalent la violence, la justice semble hors de portée : « Même quand on va voir la police, ils nous demandent : “Pourquoi ne pas arrêter ce travail ? Trouve un vrai boulot.” Et même si l’homme est arrêté, ils nous disent de négocier. Ils disent : “Tu étais d’accord — maintenant débrouille-toi.” »

Les participantes ont aussi exprimé leurs inquiétudes concernant l’accès à la prévention du VIH. Toutes ont déclaré utiliser actuellement la PrEP orale (prophylaxie pré-exposition), un comprimé quotidien qui réduit de plus de 90 % le risque d’infection par le VIH. Mais elles ont souligné une nouvelle difficulté : « Avant, on recevait trois mois de pilules. Maintenant, c’est seulement un mois à la fois. On ne sait pas pourquoi ça a changé. C’est plus difficile de rester régulières, surtout quand on voyage ou qu’on ne peut pas toujours revenir à la clinique. »

Des réductions budgétaires récentes ont affecté les stocks de PrEP. Malgré la stigmatisation persistante de certains professionnels de santé — où le jugement moral prend le pas sur les soins médicaux — la présence de la HDI fait la différence. L’une d’elles explique : « Parfois, quand on entre dans une clinique publique, l’infirmière commence à nous faire la morale — à nous dire de changer de vie. Mais quand c’est la HDI qui nous envoie, c’est différent. Ils savent déjà qui nous sommes. On n’a pas besoin de se justifier encore une fois. »

Le Rwanda progresse aussi dans la lutte contre les hépatites virales — B et C

Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 7 millions de personnes âgées de 15 ans et plus ont été dépistées pour l’hépatite C, avec plus de 60 000 mises sous traitement. La prévalence nationale de l’hépatite C est désormais inférieure à 1 %. Les efforts pour éliminer l’hépatite B progressent également, avec plus de 8 000 personnes traitées pour une infection chronique et la vaccination à la naissance introduite au niveau national. La HDI prévoit d’intégrer le dépistage et les soins de l’hépatite B et C dans ses services, aux côtés de ceux liés au VIH. « On n’y est pas encore — il reste des obstacles réglementaires et des lacunes de financement, » explique le Dr Aflodis Kagaba, directeur exécutif de la HDI. « Mais c’est la prochaine étape. »

Dr. Aflodis Kagaba, Executive Director of HDI

La force du partenariat — malgré les coupes

Le travail de la HDI est soutenu par l’aide suédoise, Expertise France, le Fonds mondial, entre autres. Mais en 2025, l’organisation a perdu une subvention de 750 000 dollars américains du CDC américain. En conséquence, les activités de proximité menées par les agents de santé communautaires ont chuté de 60 %, car l’organisation ne peut plus les rémunérer.

« Ils nous ont demandé de retirer toute mention de la diversité de genre. Nous ne pouvions pas accepter cela, » explique le Dr Kagaba. Pourtant, les services continuent — et la communauté reste présente.

Cette résilience faisait écho à un moment fort de la conférence IAS 2025 à Kigali, lorsque des activistes communautaires ont pris la scène lors de la cérémonie d’ouverture, brandissant des pancartes et déclarant : « Nous ne serons pas effacés. » Ils ont dénoncé les réductions de financements et exigé que les populations clés restent visibles dans la réponse au VIH.

Fondée sur les données, centrée sur les personnes

La HDI n’est pas simplement un prestataire de services — elle génère des données probantes pour faire changer les choses. Le Dr Kagaba résume : « Quand nous plaidons, le gouvernement nous demande : “Où sont les preuves ?” Voilà pourquoi nous documentons. Nous ne devinons pas qui est la communauté HSH — nous la connaissons. Nous ne supposons pas qui consomme des drogues — nous avons des données sur eux. Nous ne construisons pas nos programmes en théorie — nous faisons d’abord le travail. »

L’objectif n’est pas d’ouvrir des centaines de centres. C’est d’utiliser ces modèles pour influencer les politiques et les services du système national de santé — et de normaliser des soins inclusifs, respectueux et fondés sur les droits humains.

Du plaidoyer à l’action — et à l’espoir

La visite du centre HDI à Kigali s’est déroulée en marge de la conférence IAS 2025, où les thèmes dominants étaient l’urgence et l’incertitude. Les organisations communautaires ont tiré la sonnette d’alarme sur des coupes budgétaires dévastatrices, notamment pour les programmes destinés aux populations clés. Le mouvement de lutte contre le VIH — longtemps un modèle d’équité en santé portée par les communautés — risque aujourd’hui de vaciller alors que nous approchons du but.

Mais malgré cela, un espoir demeure.

IAS 2025, the 13th IAS Conference on HIV Science. Kigali, Rwanda. Monday 14 July 2025. Opening session In the photo: Protesters are seen giving speeches and demonstrating during the opening ceremony of IAS 2025, the 13th IAS Conference on HIV Science. ©Jean Bizimana/IAS

Lors de la même conférence, le MPP a annoncé l’extension de sa licence avec ViiV Healthcare pour inclure la cabotégravir injectable à action prolongée (CAB-LA) non seulement pour la prévention — mais aussi pour le traitement. Cet accord de licence volontaire pourrait ouvrir la voie à un meilleur accès, à moindre coût, au tout premier schéma de traitement du VIH à longue durée d’action recommandé par l’OMS dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

C’est exactement le type d’innovation qui redonne de l’espoir aux personnes rencontrées à Kigali — des femmes confrontées à la violence et à la stigmatisation, des personnes consommatrices de drogues dans des contextes criminalisés, et des communautés LGBTQ+ souvent privées d’un accès sûr aux soins, pour qui l’adhésion au traitement peut s’avérer difficile.

Avec en tête les besoins des populations vulnérables et les services d’organisations comme la HDI, le MPP poursuit ses efforts pour que ces interventions qui changent la vie ne restent pas hors de portée — mais deviennent accessibles, disponibles et abordables pour toutes et tous.

Parce que la réponse mondiale au VIH ne peut laisser de côté celles et ceux qui sont les plus touchés.