1 décembre 2019
Par Martina Penazzato, responsable technique de la lutte contre le VIH pédiatrique au sein du département VIH/hépatite et IST au siège de l’OMS, à Genève. Chargée de diriger le travail de l’OMS concernant la prise en charge et le traitement du VIH chez l’enfant, elle participe à de nombreuses initiatives internationales visant à améliorer les services destinés aux enfants qui vivent avec le VIH. Elle a permis la création de GAP-f et a pris part à l’initiative menée par l’OMS pour accélérer l’accès des enfants à de meilleurs traitements partout dans le monde.
Pour la communauté des personnes vivant avec le VIH, la Journée mondiale de lutte contre le sida est l’occasion de faire le point sur les avancées et sur les défis restant à relever. Parce que 150 000 enfants sont contaminés chaque année par le VIH, et parce que seulement la moitié des 1,7 million d’enfants vivant avec le VIH reçoit un traitement antirétroviral, avec un très faible taux de suppression du virus, il faut agir, et vite. À l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), nous souhaitons que ce message soit clairement entendu à l’occasion de cette Journée mondiale de lutte contre le sida. Nous lancerons à nouveau des appels à l’action lors de la Conférence internationale sur le sida et les infections sexuellement transmissibles en Afrique (ICASA), qui a lieu cette semaine à Kigali, au Rwanda, et dans le cadre de la préparation du segment thématique « Réduire l’impact du SIDA sur les enfants et les jeunes » de la 45e réunion du Conseil de coordination du programme de l’ONUSIDA.
Si des progrès ont été réalisés en matière d’identification des enfants vivant avec le VIH et leur placement sous traitement antirétroviral, en particulier dans les régions de l’Afrique de l’Est et du Sud, il reste encore beaucoup à faire pour les enfants vivant avec le VIH. Il est certain que l’éradication de l’épidémie de VIH chez l’enfant exige une démarche plurielle, axée à la fois sur les outils (médicaments et dépistage) et sur la prestation de services. Cependant, des traitements optimaux contre le VIH et les infections liées au VIH, avec des formulations adaptées aux enfants, manquent toujours cruellement.
Cette question occupe une grande partie de mon travail de responsable technique de la lutte contre le VIH pédiatrique au sein de l’OMS, et elle est aussi une priorité urgente pour l’OMS. Pendant l’année qui vient de s’écouler, j’ai eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec plusieurs programmes nationaux, d’approfondir ma connaissance des pratiques actuelles et de me confronter aux problématiques rémanentes de l’optimisation des antirétroviraux. La situation est la même partout dans l’Afrique subsaharienne : la majorité des traitements administrés aux enfants laissent à désirer et sont hérités du passé ; malgré des politiques actualisées, la transition vers des formulations plus récentes et optimales continue d’être entravée et remise à plus tard en raison du manque de disponibilité et de l’incertitude de l’approvisionnement pour certaines des dernières formulations.
Nous savons que le développement de médicaments pédiatriques accuse un retard inacceptable de presque une décennie par rapport à celui des traitements pour l’adulte. Les recherches relatives à de nouveaux médicaments sont généralement repoussées à des étapes plus avancées des programmes de développement clinique obligatoires, et les études ne sont souvent pas conçues pour générer de manière efficace les éléments probants dont nous avons besoin pour faire autoriser et utiliser sans danger ces médicaments dans des contextes où les ressources sont limitées. Les jeunes enfants ne peuvent pas avaler de comprimés ou de gélules ; les formulations liquides sont épaisses, et il est très difficile d’obtenir un goût agréable. Le dosage des médicaments doit être adapté au métabolisme et au poids de l’enfant, et évoluer avec lui, tout comme la formulation. Ces éléments pris ensemble compliquent le développement de nouveaux médicaments et fragmentent encore davantage les marchés des médicaments pédiatriques, déjà restreints, pour la prévention ou le traitement des maladies infectieuses comme le VIH, la tuberculose et l’hépatite virale.
Comme suite à la résolution prise lors de la 69e Assemblée mondiale de la Santé en 2016 intitulée « Promouvoir l’innovation et l’accès à des médicaments pédiatriques de qualité, sûrs, efficaces et abordables », l’OMS et ses partenaires ont redoublé d’efforts pour atteindre cet objectif mondial et ont intensifié les activités visant à rendre disponibles de meilleurs médicaments pour les enfants. Ainsi Gap-f, l’accélérateur mondial pour les formulations pédiatriques, a été mis en place en tant qu’initiative de l’OMS avec la contribution de la Clinton Health Access Initiative (CHAI), d’Elizabeth Glaser Pediatric AIDS Foundation (EGPAF), du Medicines Patent Pool (MPP) et de Penta Child Health Research, ainsi que d’autres parties prenantes ayant apporté une première contribution, telles que l’initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi), International AIDS Society et Unitaid. GAP-f offre un mécanisme durable permettant que les formulations optimales pour lesquelles les besoins sont les plus élevés, quelle que soit la maladie concernée (le VIH, par exemple), soient mises au point en respectant les plus hauts niveaux de sécurité et d’efficacité, et qu’elles soient disponibles rapidement dans des formulations adaptées aux enfants.
GAP-f est la preuve de l’engagement plus vaste de l’OMS de fournir de meilleurs médicaments pédiatriques. Cette initiative, qui repose sur l’étroite collaboration entre de nombreux départements techniques de l’OMS, est aujourd’hui hébergée au sein de la nouvelle Division scientifique du département chargé de la recherche, sous la direction de la Scientifique en chef de l’OMS Soumya Swaminathan, une pédiatre indienne connue mondialement pour ses recherches sur la tuberculose et le VIH.
L’appel mondial à ne laisser personne de côté, inscrit dans les Objectifs de développement durable des Nations Unies, place les personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées, dont les enfants, au premier rang des priorités. GAP-f est un exemple de la manière dont les leçons tirées du travail mené depuis des années par une multitude de parties prenantes et des meilleures pratiques adoptées par la communauté mondiale de lutte contre le VIH pédiatrique peuvent être réunies et dont les lacunes persistantes peuvent être identifiées pour mener des actions coordonnées. (www.gap-f.org)
Département communication, presse et médias
Le Medicines Patent Pool (MPP) est une organisation de santé publique soutenue par les Nations Unies, dont la mission est d’améliorer l’accès à des médicaments essentiels dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et de faciliter la mise au point de tels médicaments. Au travers de son modèle économique innovant, le MPP collabore avec la société civile, les gouvernements, des organisations internationales, l’industrie, des groupes de patients et d’autres acteurs afin d’établir des priorités, de délivrer des licences sur les médicaments indispensables et de centraliser les actifs de propriété intellectuelle pour faciliter la fabrication de médicaments génériques et l’élaboration de nouvelles formulations.
À ce jour, le MPP a signé des accords avec 22 titulaires de brevets pour 13 antirétroviraux contre le VIH, une plateforme technologique sur le VIH, trois antiviraux à action directe contre l’hépatite C, un traitement contre la tuberculose, un traitement contre le cancer, quatre technologies à action prolongée, un traitement de l’hémorragie du post-partum, trois traitements antiviraux oraux contre la COVID-19 et 16 technologies liées à la COVID-19.
MPP a été fondé par Unitaid, qui continue d’être le principal bailleur de fonds de MPP. Le travail de MPP sur l’accès aux médicaments essentiels est également financé par l’Agence suisse pour le développement et la coopération (SDC), le gouvernement du Canada, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et le gouvernement de la Flandre. Les activités de MPP dans le cadre de la COVID-19 sont entreprises avec le soutien financier du gouvernement japonais, du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, de l’Agence allemande de coopération internationale et de la SDC.