En Afrique du Sud, le modèle du MPP donne de l’espoir à la lutte contre les maladies non transmissibles
23 octobre 2023
Face au système de santé très fragmenté de son pays, Andy Gray, chargé d’enseignement en pharmacologie à l’Université de Kwazulu-Natal, estime que l’octroi de licences volontaires pourrait permettre de surmonter les obstacles liés aux coûts et d’améliorer l’accès aux traitements.
par Andy Gray, chargé d’enseignement en pharmacologie à l’Université de Kwazulu-Natal
Il y a quelques années, pour la première fois, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans a dépassé celui des enfants de moins de cinq ans. En Afrique du Sud, ce palier sera franchi aux alentours de 2035. Partout dans le monde, la population vieillit. Or le système de santé sud-africain, comme beaucoup d’autres sur le continent, n’est absolument pas prêt à faire face à ce défi.
Le vieillissement de la population se traduit par une augmentation du nombre de maladies non transmissibles telles que le cancer, le diabète, et les maladies respiratoires et cardio-vasculaires. Même si l’Afrique du Sud consacre 8,5 % de son PIB aux soins de santé, une somme qui devrait être plus qu’adaptée, la fragmentation de son système de santé fait que le pays peine à répondre aux besoins déjà existants de sa population.
Des dépenses de santé sous-financées et qui manquent d’efficacité
En Afrique du Sud, près de 9 millions de personnes possèdent une couverture sanitaire privée, divisée en 75 régimes d’assurance maladie différents. Seul un très petit nombre de ces personnes a recours aux services mis en place par l’État. Les personnes non assurées (environ 52 millions), quant à elles, dépendent presque exclusivement des services publics, même s’il arrive qu’elles paient elles-mêmes des biens et des services. Même si les régimes d’assurance maladie possèdent plus de ressources, ils les utilisent très mal ; Pour y faire face, le secteur de la santé publique manque de ressources et demeure inefficace.
Bientôt, les décès provoqués par le diabète et ses conséquences seront plus nombreux que ceux causés par le VIH et la tuberculose. Il devient donc crucial d’identifier les personnes à risque et de poser un diagnostic le plus précocement possible. Pour assurer une gestion efficace du traitement sur des dizaines d’années, le système de santé doit être réorganisé. Actuellement, il s’attache surtout à répondre aux crises. Il est désormais nécessaire de s’intéresser davantage aux facteurs de risque sociaux associés aux maladies non transmissibles, qu’il s’agisse de l’alimentation, de la sédentarité, du tabagisme ou de l’alcoolisme.
Comment quantifier l’efficacité du dépistage ?
Parce que les établissements ne sont pas équipés et en raison de son coût élevé, le dépistage est un problème épineux. Par exemple, à quelle fréquence une personne adulte doit-elle faire tester sa tension artérielle ou sa glycémie ? Ensuite, une fois le traitement défini, il est vital de s’assurer de son efficacité. Ainsi, les statistiques montrent que la glycémie n’est contrôlée qu’environ pour un patient sur deux qui suit un traitement contre la tension. En d’autres termes, même si les traitements existent en grand nombre, ils ne permettent pas ensemble d’obtenir le changement dont nous avons besoin.
Une autre question essentielle concerne les données sur lesquelles reposent les programmes de santé publique de l’Afrique du Sud. Les informations sur les maladies non transmissibles sont de piètre qualité, sans parler de celles concernant la couverture de traitement ou les résultats thérapeutiques. Cette lacune est due au fait que les données médicales des patients ne sont pas saisies dans le système public national. Le secteur privé dispose d’un formidable ensemble de données réparti entre 75 assureurs différents (et les 200 solutions de couverture sanitaire qu’ils proposent). Néanmoins, ces entreprises gardent ces données sans les partager, car cela leur ferait perdre leur avantage compétitif.
Aucun mécanisme de financement international pour les maladies non transmissibles
Un autre facteur important est que, contrairement au VIH, à la tuberculose et au paludisme, aucun mécanisme de financement international n’existe encore pour les maladies non transmissibles. Cela signifie que les produits utilisés contre les maladies non transmissibles ne suscitent pas vraiment l’intérêt des organismes de la société civile, des institutions de financement international et des acteurs de l’innovation.
Actuellement, le gouvernement sud-africain prévoit de déployer une assurance maladie nationale pour tenter d’apporter une solution. Il devrait s’agir d’un fonds unique auquel tout le monde participerait par l’intermédiaire d’une taxe directe ou indirecte, d’une cotisation ou d’une contribution salariale. Ce fonds permettra de gagner en efficacité en rendant possible l’achat de services de façon bien plus stratégique.
Élargissement du modèle du MPP
Le modèle du MPP est désormais applicable à tous les médicaments figurant sur la liste des médicaments essentiels. Le MPP est donc en mesure de jouer un rôle direct et de premier plan dans l’évolution de la situation en Afrique du Sud. Le modèle d’octroi de licences doit être appliqué de façon bien plus vaste, sans se limiter aux trois maladies pour lesquelles il a été créé, à savoir le VIH, la tuberculose et l’hépatite. Le cancer et les autres maladies non transmissibles, des domaines thérapeutiques dans lesquels beaucoup des derniers traitements et combinaisons sont toujours protégés par des brevets, sont particulièrement concernés.
Dans le domaine des maladies non transmissibles, le MPP et son modèle d’octroi de licences volontaires pourraient faire la différence en offrant la possibilité d’obtenir des licences sur des produits nouveaux qualifiés d’inabordables dans la liste des médicaments essentiels, et que de nombreux gouvernements considèrent comme inaccessibles. Le MPP a obtenu, en 2022, sa première licence sur un traitement contre le cancer, le nitolib. J’exhorte aujourd’hui les entreprises pharmaceutiques actives dans le domaine des maladies non transmissibles à octroyer à leur tour des licences volontaires, pour faire tomber le principal obstacle à l’accès : le prix des médicaments.