Le combat de l’Indonésie pour de meilleurs traitements anti-VIH
7 juillet 2020
“Il y a dix ans, les médicaments de pointe contre le VIH étaient encore inaccessibles dans notre pays. Aujourd’hui, les choses commencent à changer, notamment grâce au mécanisme de licences volontaires du MPP. Ce que nous aimons particulièrement avec ces licences, c’est qu’elles permettent à n’importe quel fabricant de génériques ayant la capacité de demander une licence et de produire des médicaments de qualité de le faire. Pour nous, à la Coalition indonésienne contre le sida (Indonesia AIDS Coalition, IAC), il est important que le partenariat mis en place avec le MPP se poursuive.”
– Par Aditya Wardhana, directeur exécutif de la Coalition indonésienne contre le sida (IAC)
Encore récemment, l’Indonésie se battait pour obtenir l’accès à des traitements antirétroviraux abordables. La difficulté pour nous, c’était qu’il n’y avait pas assez d’antirétroviraux enregistrés dans le pays, et ceux qui étaient sur le marché étaient trop chers. Par conséquent, en matière de lutte contre le VIH, l’Indonésie était laissée de côté. Même si l’Indonésie figurait sur la liste des pays où les fabricants de génériques étaient autorisés à commercialiser des antirétroviraux de qualité à des prix abordables pour répondre aux besoins de tous les malades, nous étions en réalité loin du compte. Aujourd’hui, la situation a beaucoup changé grâce au travail accompli par chacun de nos partenaires, dont le Medicines Patent Pool (MPP), en faveur d’un meilleur accès aux traitements, au travers de la concurrence des génériques et de l’incitation des fabricants de génériques à enregistrer leurs produits en Indonésie.
Près de 630 000 personnes vivent avec le VIH dans notre pays[1], et seulement 20 % d’entre elles ont accès à un traitement. L’Indonésie est l’un des rares pays où le nombre de décès liés au sida continue d’augmenter chaque année. Permettre à ceux qui en ont besoin d’avoir accès à un traitement est un véritable défi pour plusieurs raisons. Comme notre archipel compte plusieurs milliers d’îles, il est difficile, d’un point de vue logistique, de parvenir jusqu’aux patients. La stigmatisation et la discrimination sont toujours monnaie courante. Par ailleurs, le coût de déplacement élevé qu’une personne vivant avec le VIH doit assumer pour se rendre dans un centre qui distribue des traitements représente un frein supplémentaire. Parmi les autres obstacles, on peut aussi citer les procédures d’enregistrement trop longues, qui découragent bon nombre de fabricants de médicaments génériques d’approvisionner l’Indonésie en antirétroviraux. Le prix des antirétroviraux reste exorbitant en Indonésie, contrairement aux prix pratiqués dans d’autres pays de la région, ce qui empêche notre gouvernement d’en commander.
Depuis 2011, l’IAC travaille en étroite collaboration avec le gouvernement et des partenaires tels que le Fonds mondial, le MPP, le PNUD et USAID, pour que des versions génériques des meilleurs traitements disponibles soient accessibles aux personnes qui vivent avec le VIH dans notre pays. En concertation avec plusieurs partenaires, nous avons contribué à la mise en œuvre de lignes directrices en matière de traitement, à l’enregistrement de produits, à des activités de plaidoyer et d’éducation au traitement, ainsi qu’à l’utilisation des médias pour exercer des pressions. En 2019, nous avons organisé un atelier lors duquel le MPP a expliqué son mode de fonctionnement, et nous avons pu nous faire connaître auprès des fabricants, les encourager et les aider à enregistrer leurs produits. Grâce à ce travail, la concurrence s’est intensifiée et les prix ont baissé.
Les principaux obstacles que les licences du MPP nous ont aidés à surmonter sont les prix et la disponibilité des traitements. En stimulant la concurrence saine des fabricants de génériques, l’action du MPP a permis d’obtenir une réduction des prix des antirétroviraux sans précédent. Par exemple, au cours des trois dernières années, nous avons obtenu une réduction du prix du ténofovir/lamivudine/efavirenz (TLE) de 48 %. Autrement dit, en 2020, un mois de ce traitement coûte 15 USD, contre 28 USD en 2016. Concernant le prix du TDF/FTC, la baisse a été de 68 %, comme on peut le voir sur le catalogue en ligne du système d’approvisionnement du gouvernement. Signe de son adhésion à ces nouveaux tarifs, le ministère de la Santé a commandé début 2020 un volume équivalant à 12 mois d’utilisation de TLE et à neuf mois de TDF/FTC. Chaque dollar économisé signifie que d’avantage de personnes pourront bénéficier d’un traitement.
Aujourd’hui, comme de nombreux autres pays, l’Indonésie souhaiterait adopter le traitement de première intention à base de dolutégravir recommandé par l’OMS, qui est mieux toléré et consiste en un comprimé unique à prise journalière. À l’IAC, nous avons appris à promouvoir l’accès à ces traitements innovants en tirant des leçons des pays voisins, où le ténofovir/lamivudine/dolutégravir (TLD) est déjà largement disponible. Nos efforts portent enfin leurs fruits : l’Indonésie vient de recevoir sa première cargaison de combinaisons à dose fixe de TLD. Les nouveaux patients diagnostiqués positifs au VIH seront les premiers à se voir prescrire ce traitement à Jakarta. Si nous nous réjouissons de cette première grande étape, nous espérons un déploiement dans l’ensemble du pays l’année prochaine. Bon nombre de ces réussites ont été rendues possibles grâce à des partenariats étroits avec plusieurs organisations, qui continuent d’agir pour garantir l’accès à des traitements de qualité garantie à des prix abordables. Une grande partie de ces premiers lots de TLD ont été commandés grâce au mécanisme d’achat WAMBO du Fonds mondial et sont des médicaments génériques produits grâce à la licence volontaire du MPP.
Il y a dix ans, les médicaments de pointe contre le VIH étaient encore inaccessibles dans notre pays. Aujourd’hui, les choses commencent à changer, notamment grâce au mécanisme de licences volontaires du MPP. Ce que nous aimons particulièrement avec ces licences, c’est qu’elles permettent à n’importe quel fabricant de génériques ayant la capacité de demander une licence et de produire des médicaments de qualité de le faire. Pour nous, à l’IAC, il est important que le partenariat mis en place avec le MPP se poursuive.
Alors que le monde lutte actuellement contre la pandémie de COVID-19, nous craignons que le ralentissement économique et les restrictions commerciales retardent l’arrivée des traitements anti-VIH. En effet, des ruptures de stocks auraient une incidence grave sur la santé de beaucoup de personnes. Aujourd’hui, plus que jamais, alors que nous nous battons contre des épidémies plus ou moins récentes, nous devons faire en sorte que tous ceux qui en ont besoin puissent avoir accès à un traitement, en utilisant des mécanismes transparents tels que ceux que propose le MPP.