Directeur général adjoint du ministère des Sciences et de l’Innovation (Afrique du Sud), membre du Comité de pilotage du Programme de transfert de la technologie à ARNm.

par Mmboneni Muofhe, Directeur général adjoint du ministère des Sciences et de l’Innovation (Afrique du Sud)

Lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté, les pays à revenus faible et intermédiaire ont été les laissés pour compte de la vaccination. Pour qu’une telle situation ne se reproduise pas, nous avons tous commencé à échanger sur la manière de surmonter les inégalités, en renforçant les capacités des pays en développement afin de garantir leur accès équitable aux vaccins. Nos échanges étaient optimistes, ce qui était très positif ; cependant, nous nous sommes vite rendu compte qu’il serait nécessaire de coordonner nos efforts, car tous les pays n’étaient pas en mesure d’agir seuls. Des pièces manquaient au puzzle, et on ne pouvait pas avancer chacun de notre côté en espérant que tout finisse par se mettre en place. Le projet de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour 2021 de créer un réseau de partenaires et de créer le Programme de transfert de la technologie à ARNm est exemplaire. Une nouvelle voie a été ouverte par l’OMS, aux côtés du Medicines Patent Pool. Le Programme, fondé sur le partenariat et la collaboration, réunit notamment des acteurs gouvernementaux et communautaires des domaines de la recherche, de l’industrie et de la communauté de la santé mondiale. C’est un écosystème complet qui doit être mis en place, et nous devons veiller à ce qu’il puisse fonctionner comme prévu.

Depuis un peu plus de 18 mois, nous travaillons tous d’arrache-pied et nous repoussons nos limites afin de donner vie à notre ambition collective, qui est de rendre l’accès aux vaccins équitable, en développant et produisant des vaccins à ARNm à l’échelle régionale dans les pays à revenus faible et intermédiaire. Notre vision ne se limite pas à la COVID-19, car nous voulons pouvoir utiliser la plateforme de la technologie à ARNm pour lutter contre d’autres pathologies : nous souhaitons accroître les recherches liées aux vaccins contre la tuberculose, le paludisme, le VIH et d’autres maladies qui touchent les pays à revenus faible et intermédiaire. Certes, nous avons parfois l’impression que nos progrès sont lents. Il arrive que j’ai la tête accaparée par le détails des modalités notre action, et nous avons quelques fois l’impression d’être dans une machine à laver, ballotés d’un problème à l’autre, essayant de combler les manques tout en ayant l’impression de nous attaquer à une tâche insurmontable. Les moments d’hésitation sont inévitables, car malgré nos avancées, les lacunes restent nombreuses.

Cependant, notre force vient en partie de l’identification de ces lacunes, qui nous permet de trouver des solutions. Ce qui me semble vraiment important, c’est que le Programme de transfert de la technologie à ARNm suit une démarche systémique, qui s’intéresse à chaque élément du système pour créer un tout qui fonctionne. Nous agissons ensemble pour relever chaque défi, l’un après l’autre. Nous travaillons déjà avec des fabricants dans les 15 pays qui bénéficient du Programme. Dans un premier temps, nous avons classé les bénéficiaires en fonction du niveau d’assistance dont chacun a besoin. Ainsi, certains ont commencé des formations au transfert de technologie, alors que d’autres construisent encore leurs locaux. La question de la fabrication locale dans ces pays nous intéresse particulièrement, car en développant les capacités des entreprises pour leur permettre de mettre au point et de fabriquer des vaccins, nous ouvrons la voie vers l’autonomie. Nous n’imposons pas une technologie venue d’ailleurs sans que les capacités locales soient en place. Grâce à notre collaboration étroite avec les pays, nous avons pu déterminer quels schémas appliquer et quels membres du personnel former à l’aide de programmes complets au sein d’Afrigen (Afrique du Sud) et du centre de formation à la biofabrication en Corée du Sud placé sous la direction de l’Institut international des vaccins.

La mise à disposition des vaccins est précédée d’étapes réglementaires. L’un des points forts du Programme est son volet de renforcement des aspects réglementaires, en Afrique du Sud mais aussi dans chaque pays concerné. Enfin, nous devons trouver des marchés pour les vaccins produits, et travailler dans ce but en étroite collaboration avec les pouvoirs publics et les communautés pour faire en sorte que ces marchés soient prêts et que l’approvisionnement en vaccins se fasse sans accroc le moment venu.

Aujourd’hui, nous construisons en Afrique du Sud un écosystème local solide, dont le ministère des Sciences et de l’Innovation et le ministère de la Santé font partie. Si j’évoque ce point, c’est parce qu’il soulève la question du soutien des dirigeants et des autorités à cet effort de construction. La collaboration avec nos bailleurs de fonds, qui continuent de nous apporter un soutien sans faille, est tout aussi importante. Nous avons dû parfois nous tourner vers la plus haute autorité du pays pour lancer un appel : « C’est maintenant que nous avons besoin de votre intervention », et nos dirigeants, en particulier le Président sud-africain Cyril Ramaphosa et le Président français Emmanuel Macron, ont répondu présents en exprimant leur soutien de manière officielle. Il est essentiel que nous puissions encore compter sur le soutien des figures politiques, et je remercie nos dirigeants de répondre à nos appels.

Nos efforts sont récompensés. Afrigen dispose du premier vaccin à ARNm candidat, qu’il a développé du concept jusqu’à la preuve de concept, et qui se trouve aujourd’hui au stade des essais précliniques : AfriVac 2121, nommé ainsi en hommage à ses origines (l’Afrique) et à la date de l’annonce de la création du Centre de transfert de technologie en Afrique du Sud (le 21 juin 2021). Ce vaccin fait notre fierté, et les essais cliniques de phase 1 devraient commencer plus tard dans l’année. À ce jour, douze entreprises ont signé des protocoles d’accord, et les formations au transfert de technologies ont déjà commencé. Malgré certaines lacunes, nous pouvons aller de l’avant, et c’est pourquoi je remercie chacun et chacune d’entre vous, qui appartenez à notre écosystème. Mon dernier message sera de vous inviter à faire preuve de patience. Nous faisons de notre mieux. Notre but est d’amener ce Programme jusqu’à la ligne d’arrivée ; les débuts sont prometteurs, et nous nous rapprochons chaque jour un peu plus de notre objectif.