En mai 2025, le MPP a signé un protocole d’accord (MoU) avec la Vizuri Health Dynamics Foundation, une organisation africaine à but non lucratif dédiée à catalyser les investissements et à renforcer l’efficacité des marchés de la santé afin de soutenir la production pharmaceutique locale.

Le partenariat vise à mieux comprendre le paysage existant, à soutenir les initiatives de licences et de transfert de technologies, à renforcer les capacités de fabrication locales et régionales, et à promouvoir l’adoption de médicaments de qualité produits localement en Afrique.
Le MPP et Vizuri ont pour objectif d’accélérer l’accès équitable aux technologies de santé essentielles sur tout le continent africain.
L’équipe du MPP News a récemment rencontré la Dre Mariatou Tala Jallow, présidente de Vizuri, et Ann-Marie Hosang-Archer, membre du conseil, pour discuter de leur approche dans ce projet ambitieux.


MPP

Pouvez-vous expliquer quels sont les objectifs de Vizuri ?

Vizuri

Seulement 5 % des produits pharmaceutiques utilisés en Afrique sont fabriqués sur le continent.
Notre objectif global est de bâtir une industrie pharmaceutique africaine forte, dans laquelle les fabricants africains contribuent bien davantage que les 5 % actuels.

Nous participions à des conférences internationales sur les fabricants africains, mais très peu de ces derniers étaient présents sur scène. Nous avons donc décidé de nous associer à la Fédération des associations de fabricants africains (FAPMA) pour rassembler les fabricants et leur offrir une plateforme leur permettant de s’engager pleinement sur les enjeux essentiels pour le continent.
L’African Medicines Manufacturing Trade Exhibition and Conference (AMMTEC 2024), seul événement organisé par et pour les fabricants africains, a tenu sa première édition en octobre 2024 en Tanzanie. Ce fut un véritable succès, réunissant plus de 200 délégués issus de l’industrie pharmaceutique internationale, d’organisations mondiales de santé, de partenaires de mise en œuvre, de financiers et d’investisseurs, dont 30 délégués provenant de fabricants africains.

Nous mobilisons notre réseau, notre expérience et notre expertise pour soutenir toutes les parties prenantes intéressées et travailler avec elles afin d’accélérer la production de produits de santé en Afrique, de manière plus coordonnée et cohérente.


MPP

Les parties prenantes soutiennent-elles largement cet objectif ?

Vizuri

Certaines personnes ont suggéré que les fabricants africains devraient s’approprier l’ensemble du marché africain. Ce n’est pas réaliste.
Notre objectif est plutôt de faire évoluer les parts de marché pour que les fabricants actuels puissent accroître leur présence sur le continent. On ne peut pas parler d’une industrie pharmaceutique résiliente et durable si sa part de marché reste aussi marginale.


MPP

Pourquoi, selon vous, l’industrie pharmaceutique africaine n’est-elle pas plus florissante aujourd’hui ?

Vizuri

Nous avons identifié six défaillances de marché qui doivent être corrigées :

  1. Les médicaments essentiels manquants : les gouvernements lancent des appels d’offres pour des produits figurant sur leurs listes de médicaments essentiels, mais ne reçoivent souvent aucune réponse des fabricants nationaux ou régionaux. La pression exercée sur les prix par les gouvernements et les bailleurs rend l’activité peu viable pour les fabricants locaux ou internationaux. Les fabricants ne sont pas incités à enregistrer leurs produits dans les pays voisins, car les coûts sont élevés et les marges faibles.

  2. Une focalisation domestique : plusieurs fabricants africains se concentrent uniquement sur leur pays, voire sur un secteur spécifique (public ou privé). Les ventes transfrontalières sont complexes et coûteuses. Nous souhaitons les aider à devenir plus régionaux, car on ne peut pas tout produire partout. L’accès à plusieurs marchés accroît les opportunités et attire davantage d’investisseurs.

  3. Des médicaments innovants inaccessibles : certains traitements innovants ou complexes ne sont pas encore disponibles en Afrique. Les licences proposées par le MPP offrent aux fabricants africains la possibilité de produire ces nouveaux produits et d’en améliorer l’accès. Par exemple, il n’existe aucun fabricant africain pour certains analogues de l’insuline ou certains anticorps monoclonaux récents.

  4. Des obstacles aux achats publics et des donateurs : en raison de contraintes réglementaires ou d’approvisionnement, il faut comprendre ce que les gouvernements et les bailleurs exigent pour permettre l’achat de produits fabriqués localement. Devenir fournisseur pour ces organisations est une étape clé qui permet aux fabricants africains de monter en puissance et d’obtenir les financements nécessaires.

  5. La fabrication d’ingrédients pharmaceutiques actifs (API) : nous souhaitons qu’une partie de la production d’API se fasse en Afrique, afin de diversifier les sources d’approvisionnement et de renforcer l’autonomie du continent.

  6. Des achats fragmentés dans le secteur privé : il existe un fort potentiel dans le secteur privé et les organisations confessionnelles. Nous voulons créer des groupes d’achat privés qui s’engagent à acheter une part de leurs produits auprès de fabricants locaux sur une période donnée, créant ainsi un environnement favorable aux investissements.


MPP

Comment Vizuri compte-t-elle répondre à ces six défaillances ?

Vizuri

Nous comptons agir à travers quatre leviers de changement :

  • l’agrégation des engagements d’achat, des approvisionnements et des intrants ;

  • les licences entraînant des transferts de technologies, la sous-traitance et les secondes marques ;

  • la planification et le soutien au financement ;

  • le renforcement des normes réglementaires et de qualité.

Lors de l’AMMTEC en Tanzanie, nous avons vu trois fabricants acheter le même produit au même fournisseur… mais à trois prix différents. L’achat groupé est donc une solution prometteuse.

Nous mobiliserons nos six domaines d’expertise pour soutenir une industrie compétitive et durable :

  1. Production – plus de 25 ans d’expérience dans la fabrication pharmaceutique auprès de multinationales.

  2. Économie de la santé et dynamiques de marché – analyse des modèles de prix et d’accès.

  3. Génération de la demande – sensibilisation et promotion, mais aussi disponibilité effective du produit.

  4. Chaîne d’approvisionnement – optimisation des flux entre fabricants et patients.

  5. Innovation clinique et qualité – travail avec les autorités de santé pour intégrer les nouveaux produits dans les protocoles thérapeutiques.

  6. Financement innovant – expertise en levée et gestion de capitaux.

Le principal défi reste la traduction des engagements politiques en actions concrètes.
Nous disposons d’une base de données d’intelligence de marché pour appuyer les décisions des fabricants et bailleurs, en les conseillant sur la production, la gestion financière et la viabilité des projets.

Les agences de développement doivent repenser leurs priorités de financement pour accompagner l’émergence d’un véritable marché pharmaceutique africain.
L’analyse du MPP, selon laquelle le contexte africain diffère de celui de l’Inde, est particulièrement pertinente — et les bailleurs ainsi que les décideurs doivent en tenir compte.

Nous soutiendrons les fabricants régionaux, mais un changement d’échelle est nécessaire. Certains produits devront répondre à des besoins nationaux, régionaux ou continentaux. Les politiques publiques doivent faciliter les importations et réduire certains droits de douane sur les intrants nécessaires à la production.


MPP

Que vous apporte votre partenariat avec le MPP ?

Vizuri

Notre partenariat avec le MPP est essentiel, car il nous ouvre des opportunités pour de nouveaux produits, des secondes marques, de la sous-traitance, ainsi qu’une assistance technique et réglementaire.

Nous ferons également la promotion du MPP : les fabricants doivent comprendre ce que représente le MPP et les avantages d’une collaboration.
Nous souhaitons que le MPP réussisse afin d’instaurer la confiance entre les fabricants et les partenaires de licence.
Nous pourrons aussi soutenir le MPP dans la génération de la demande, pour faciliter l’introduction et l’adoption de nouvelles technologies et de nouveaux produits dans les pays africains.