Journée Mondiale de l’Obésité : Faire face au défi croissant dans les pays à revenu faible et intermédiaire
4 mars 2025
À l’occasion de la Journée mondiale de l’obésité, le Medicines Patent Pool (MPP) met en lumière la question urgente de l’obésité dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), en se concentrant sur les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Nous explorons également comment le modèle MPP peut soutenir l’accès aux médicaments innovants susceptibles d’inverser la tendance de cette maladie en pleine expansion. De plus, nous présentons les réflexions inspirantes du Dr Nomathemba Chandiwana, responsable scientifique en chef à la Desmond Tutu Health Foundation et fervente défenseure en Afrique du Sud, pour illustrer le besoin urgent d’agir dans ces régions.
La crise mondiale de l’obésité
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne sur huit dans le monde vivait avec l’obésité en 2022. La prévalence de l’obésité adulte a plus que doublé depuis 1990, et l’obésité chez les adolescents a été multipliée par quatre. L’obésité et le diabète de type 2 sont étroitement liés, servant de moteurs majeurs aux conditions cardiométaboliques telles que les maladies cardiovasculaires et rénales, qui représentent des défis de santé importants, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
L’obésité dans les pays à revenu faible et intermédiaire
En 2024, selon l’Atlas mondial de l’obésité, 78 % des décès liés aux maladies non transmissibles associés au surpoids et à l’obésité ont eu lieu dans les pays à revenu faible et intermédiaire. D’ici 2035, 79 % des personnes ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 se trouveront dans ces pays (l’OMS définit l’obésité pour un adulte comme un IMC supérieur ou égal à 30). De nombreux PRFI sont confrontés à un double fardeau de la malnutrition, traitant à la fois la sous-nutrition et une augmentation rapide de l’obésité. Les enfants dans ces pays sont particulièrement vulnérables à une nutrition prénatale, infantile et de jeunes enfants insuffisante. En même temps, ils sont exposés à des aliments riches en graisses, en sucres, en sel, à forte densité énergétique et pauvres en micronutriments, souvent moins chers mais aussi de moindre qualité nutritionnelle.
Le parcours du Dr Nomathemba Chandiwana
Le Dr Nomathemba Chandiwana, responsable scientifique en chef et chef du portefeuille des maladies non transmissibles (MNT) à la Desmond Tutu Health Foundation à Cape Town, en Afrique du Sud, partage sa perspective sur la question : « En tant que clinicienne-scientifique spécialisée dans le VIH et l’obésité et ses complications, mon travail se concentre sur les intersections entre l’obésité, les maladies cardiométaboliques et la santé du sommeil, en particulier chez les femmes vivant avec ou sans le VIH. Ma carrière a commencé au sommet de l’épidémie de VIH en Afrique du Sud, où j’ai été témoin de l’impact des interventions fondées sur des preuves et de l’engagement communautaire pour changer des vies. Au fil du temps, j’ai étendu ces principes au défi de l’obésité, reconnaissant que, tout comme le VIH, il s’agit d’un problème complexe et systémique nécessitant des solutions collaboratives à long terme. »
Défis et obstacles
Le Dr Chandiwana souligne les défis rencontrés par les personnes obèses dans les pays à revenu faible et intermédiaire : « Les populations des pays à faible et moyen revenu, en particulier en Afrique, rencontrent de nombreux obstacles pour gérer l’obésité. En Afrique du Sud, qui affiche parmi les taux les plus élevés de surpoids et d’obésité au monde, les personnes obèses—en particulier les femmes et les filles—ont souvent un accès limité à des aliments nutritifs abordables et à des espaces sûrs pour l’activité physique. Une planification urbaine inadéquate, des disparités socioéconomiques et la stigmatisation sociale limitent encore leur capacité à adopter des modes de vie plus sains. Ces facteurs se combinent pour créer des obstacles importants à la gestion efficace de l’obésité. »
Obésité et VIH
Les tendances de l’obésité et la dysrégulation métabolique augmentent parmi les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Grâce à l’espérance de vie plus longue, cette population connaît une incidence plus élevée de maladies non transmissibles, notamment les maladies cardiovasculaires (MCV) et le diabète. En Afrique du Sud, une étude récente a montré que 63 % des PVVIH sont en surpoids ou obèses, et 6 % souffrent de diabète.
Comme le note le Dr Chandiwana : « Le VIH et l’obésité partagent des racines communes dans les inégalités sociales et économiques. Ils nécessitent l’engagement communautaire, des soins soutenus et des mesures politiques de soutien. Cependant, bien que le VIH soit une maladie infectieuse avec une cible biologique claire, l’obésité est une condition non transmissible influencée par le mode de vie, la génétique, l’environnement et des facteurs socioéconomiques. […] Assurer l’accès abordable à de nouvelles thérapies est essentiel pour améliorer les résultats en matière de santé. »
La publication revue par des pairs du MPP, « Nouveaux médicaments anti-obésité pour les personnes séropositives », publiée dans The Lancet HIV, aborde la question croissante de l’obésité chez les personnes vivant avec le VIH et le potentiel des thérapies basées sur les GLP1-RA pour relever ce défi. L’intégration de la gestion de la santé métabolique dans les soins routiniers du VIH est essentielle, et des recherches sont nécessaires pour déterminer l’application de ces interventions. Il est crucial de s’attaquer aux préoccupations liées à l’accessibilité et à l’abordabilité, car le coût élevé des médicaments actuels pose d’importants défis, notamment dans les pays en développement où le VIH est très répandu.
Traitements innovants et accessibilité
Le Dr Chandiwana mentionne que certains médicaments anti-obésité innovants montrent de grandes promesses pour traiter l’obésité clinique : « Par exemple, les agonistes des récepteurs GLP-1 se sont montrés efficaces pour favoriser la perte de poids et améliorer la santé métabolique. Des thérapies émergentes qui ciblent la régulation de l’appétit et l’équilibre énergétique sont également en développement. Ces innovations offrent de l’espoir pour des soins de l’obésité plus personnalisés et efficaces, en particulier dans les milieux moins dotés en ressources. »
Si la prévention reste essentielle, garantir l’accès à des traitements efficaces est tout aussi crucial pour répondre aux besoins urgents des millions de personnes vivant avec l’obésité et pour atteindre le plus haut niveau de soins, réduisant ainsi les inégalités de santé.
Le MPP a priorisé les thérapies basées sur les GLP1-RA, y compris le semaglutide, pour l’octroi de licences, car le MPP estime que rendre ces produits innovants plus accessibles dans les pays à revenu faible et intermédiaire pourrait avoir un impact significatif sur la santé publique. L’abordabilité demeure souvent le principal obstacle à l’accès à ces produits dans les PRFI. En négociant des licences avec les détenteurs de brevets, le MPP peut rendre ces traitements novateurs plus abordables pour les PRFI, réduisant ainsi l’écart d’inégalité.
Le Dr Chandiwana ajoute : « Pour rendre ces traitements plus accessibles, nous devons réduire les coûts grâce à des mécanismes tels que l’achat en gros, la tarification différenciée et la licence stratégique via des pools de brevets. Renforcer les soins de santé primaires et intégrer ces thérapies dans les services communautaires aidera également. Ces étapes sont essentielles pour garantir que les traitements révolutionnaires atteignent ceux qui en ont le plus besoin. »
Rôles du MPP, des gouvernements, des ONG et du secteur privé
Outre l’intervention du MPP pour rendre les traitements innovants abordables et disponibles dans les environnements à faibles ressources, le Dr Chandiwana estime que d’autres partenaires doivent jouer leur rôle : « Les gouvernements doivent créer des cadres réglementaires favorables et investir dans les infrastructures de santé. Les ONG peuvent plaider pour les droits des patients et sensibiliser, tandis que le secteur privé peut adapter les innovations aux besoins locaux et réduire les coûts de production. Ensemble, ces parties prenantes peuvent construire une voie équitable d’accès. »
Message du Dr Chandiwana pour la Journée mondiale de l’obésité
« La Journée mondiale de l’obésité nous rappelle que l’obésité est un problème systémique qui nécessite une réponse coordonnée et multisectorielle. Elle appelle chacun d’entre nous—des décideurs politiques et des prestataires de soins de santé aux organisations communautaires—à promouvoir des changements politiques, à innover dans les soins de santé et à créer des environnements propices à des vies plus saines. »
Réflexions finales du Dr Chandiwana
« Les succès obtenus pendant l’épidémie de VIH prouvent que l’action coordonnée et menée par la communauté peut transformer la santé publique. En appliquant ces leçons à l’obésité, nous avons une occasion unique de remodeler nos systèmes de santé et de créer un changement durable. » Le Dr Chandiwana encourage toutes les parties prenantes à collaborer, innover et garantir que les traitements révolutionnaires atteignent tout le monde, en particulier ceux des communautés les plus vulnérables.