Par Charles Wells, M.D., Chef du développement thérapeutique à l’Institut de recherche médicale Bill et Melinda Gates

La tuberculose est une cause majeure de mauvaise santé et l’une des principales causes de décès dans le monde entier. Avant l’arrivée de la pandémie de COVID-19, la tuberculose était la principale cause de décès due à un seul agent infectieux. La pandémie de COVID-19 et la pression qui en a résulté sur la prestation des services de santé ont accentué la charge de la tuberculose, l’accès aux soins et les notifications de cas diminuant fortement en 2020, et le nombre de décès dus à la tuberculose augmentant (Rapport mondial de l’OMS sur la tuberculose, 2021). Environ 50 % des patients tuberculeux et leurs familles doivent faire face à des coûts catastrophiques qui dépassent 20 % du revenu annuel de leur foyer. Sans traitement approprié, 45 % des personnes séronégatives atteintes de tuberculose, en moyenne, et presque toutes les personnes vivant avec le VIH et co-infectées par la tuberculose vont mourir. À l’échelle mondiale, les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFM) représentaient 98 % des cas de tuberculose signalés en 2020.

La tuberculose est causée par le bacille Mycobacterium tuberculosis (Mtb), qui se propage lorsque les personnes malades expulsent des bactéries dans l’air (par exemple, en toussant ou en respirant). La maladie affecte généralement les poumons (tuberculose pulmonaire) mais peut toucher d’autres sites. La plupart des personnes (environ 90 %) qui développent la maladie sont des adultes, les cas étant plus nombreux chez les hommes que chez les femmes (Rapport mondial de l’OMS sur la tuberculose, 2021).

Elle se traduit le plus souvent par un état d’infection dit « latent », qui peut se transformer en tuberculose active à tout moment de la vie de la personne infectée de façon latente. Lorsqu’une personne développe une tuberculose active, les symptômes (tels que la toux, la fièvre, les sueurs nocturnes ou la perte de poids) peuvent être légers pendant de nombreux mois. Cela peut entraîner des retards dans la recherche d’un traitement, prolongeant ainsi la période de transmissibilité qui survient pendant la tuberculose active.

La complexité biologique de la bactérie et l’efficacité des médicaments antituberculeux existants exigent qu’ils soient administrés dans le cadre d’un schéma thérapeutique multi-médicamenteux pendant au moins six mois. Cette longue durée de traitement entraîne une mauvaise observance et peut conduire au développement d’une tuberculose pharmaco-résistante (DR-TB). Cette tuberculose pharmaco-résistante est encore plus difficile à soigner (3 à 5 médicaments pendant 12 à 15 mois) et peut entraîner une mortalité nettement plus élevée. Des décennies de mauvaise utilisation des antibiotiques existants et l’infrastructure limitée des systèmes de santé pour soutenir les patients tout au long du traitement ont créé une épidémie de résistance aux médicaments, qui menace les programmes de lutte contre la tuberculose dans le monde entier. Pour gérer cette crise de santé publique, il est indispensable de disposer de nouveaux médicaments et de nouveaux schémas thérapeutiques actifs contre la tuberculose pharmaco-sensible et pharmaco-résistante et capables de réduire considérablement la durée du traitement pour obtenir la guérison.

L’Institut de recherche médicale Bill et Melinda Gates (Gates MRI) est heureux d’être membre de la collaboration autour du Projet d’accélération des nouveaux traitements contre la tuberculose (PAN-TB). Cette collaboration vise à identifier de nouveaux schémas thérapeutiques qui pourraient traiter les formes de tuberculose pharmaco-sensible et pharmaco-résistante sur une durée beaucoup plus courte que ceux actuellement utilisés. Le nouveau schéma thérapeutique devrait idéalement présenter un profil de sécurité ne nécessitant que peu ou pas de surveillance, être facile à administrer (une fois par jour) et être abordable pour les patients résidant dans les PRFM.

On espère que ces caractéristiques permettront une plus grande observance du traitement et une meilleure réussite chez des millions de patients tuberculeux, et peut-être aussi une réduction de la transmission de l’infection. Le nouveau schéma thérapeutique, qui nécessite moins de soutien thérapeutique aux patients et deux fois moins de temps que les soins standard actuels, pourrait permettre d’améliorer la recherche de cas de tuberculose active grâce à la disponibilité accrue des ressources. Ces caractéristiques ambitieuses devraient se traduire par un impact épidémiologique plus important et une diminution plus rapide de la charge de morbidité sur la voie de l’élimination de la tuberculose.

Cette collaboration mondiale d’organisations philanthropiques, à but non lucratif et du secteur privé, vise à accélérer le développement de nouveaux régimes de traitement pour tous les patients tuberculeux, afin de mettre en place un paradigme plus simple, celui de « tester et traiter ». Cette « Collaboration » réunit Evotec, GSK, Janssen, la Fondation Bill et Melinda Gates, Gates MRI, Otsuka et TB Alliance. Au sein de la Collaboration, Gates MRI est responsable de l’exécution d’essais cliniques de phase 2, destinés à réduire le risque de nouveaux régimes de traitement prometteurs en vue d’une évaluation de phase 3, en étroite coordination et en gouvernance conjointe avec les partenaires du PAN-TB.

Un médicament clé du schéma thérapeutique proposé est le sutezolid (anciennement connu sous le nom de PNU-100480), un candidat médicament antibiotique prometteur. En octobre 2019, le Medicines Patent Pool (MPP) et Pfizer ont conclu un accord de licence qui accorde à MPP des droits de sous-licence à des tiers pour les brevets et le savoir-faire relatifs au sutezolid. En décembre 2020, le MPP et le Gates MRI ont signé un accord pour faire avancer le développement de ce médicament expérimental, pour son utilisation dans les PRFM. Le sutezolid, en association avec d’autres médicaments, pourrait potentiellement être utilisé comme un schéma thérapeutique tout-oral et court pour toutes les formes de tuberculose, y compris la tuberculose pharmaco-résistante.

Le sutezolid est une oxazolidinone (voir structure ci-dessous) qui a démontré un profil de sécurité et une activité antimycobactérienne potentiellement acceptables, ce qui en fait un candidat prometteur pour une évaluation plus approfondie.

En tant que clinicien, je suis enthousiaste à l’idée de poursuivre l’étude de ce médicament candidat, afin de contribuer à notre objectif d’accélérer l’éradication de la tuberculose et de redonner espoir à ceux qui souffrent de cette maladie infectieuse. Avec nos partenaires de la Collaboration PAN-TB, nous souhaitons poursuivre le développement d’un nouveau traitement antituberculeux qui pourrait inclure le sutezolid.

Nous espérons que ce travail pourra contribuer à mettre fin à l’épidémie de tuberculose d’ici 2030, l’une des cibles sanitaires des objectifs de développement durable des Nations Unies.