BMJ Global Health, une revue en accès libre à comité de lecture qui publie des résultats de recherche portant sur tous les aspects de la santé mondiale, a récemment mis en ligne un article du Medicines Patent Pool (MPP) intitulé « Améliorer l’accès aux technologies de santé grâce à des accords de licence sur des actifs de propriété intellectuelle dans le domaine de la santé publique : notre point de vue d’experts » (Negotiating public-health intellectual property licensing agreements to increase access to health technologies disponible en anglais).

Le modèle de l’octroi de licences volontaires sur des actifs de propriété intellectuelle a été appliqué avec succès dans certains domaines thérapeutiques. Il a ainsi permis, en particulier dans les pays à revenus faible et intermédiaire, de générer des économies, d’élargir l’accès aux médicaments et d’améliorer la santé des populations. Toutefois, les subtilités de ce modèle et les différentes étapes pratiques de la démarche qui lui est associée, tout comme ses moyens d’action et les compromis qu’il implique, sont généralement peu compris. Il est pourtant utile de saisir ces subtilités pour mieux définir les attentes, élaborer des mesures d’incitation et des politiques de soutien dans le but d’élargir le nombre d’applications possibles. Il est aussi utile de s’appuyer sur l’expérience du Medicines Patent Pool, afin de déterminer les clauses des accords de licence qui auront le plus grand impact et de parvenir à répondre de la meilleure façon qui soit aux besoins de santé publique dans le contexte de négociations complexes.

L’article publié examine le modèle de l’octroi de licences volontaires, les considérations à prendre en compte pour trouver l’équilibre entre les différents besoins de santé publique, les défis posés par les négociations, et les processus de validation des projets d’accords de licence. Tout mécanisme d’accès a ses limites, et les faits montrent que l’octroi de licences volontaires axées sur la santé publique a un rôle important à jouer, même si cette solution reste insuffisamment exploitée, au détriment des populations des pays à revenus faible et intermédiaire, qui ont tout autant besoin d’accéder au plus vite à des technologies de santé cruciales que celles des pays à revenu élevé.

Étapes d’une démarche de licence volontaire parallèlement au cycle de vie d’un médicament, de son développement jusqu’à sa mise à disposition. L’article traite avant tout du processus d’obtention de licences en tant qu’activité centrale du Medicines Patent Pool, qui est aussi la plus examinée. Cependant, le MPP intervient à d’autres étapes du cycle de vie d’un produit : en amont, en identifiant les candidats médicaments adaptés (grâce à un travail de hiérarchisation des priorités) et en mettant mise en place un environnement favorable à l’obtention de licence, et en aval, en octroyant des sous-licences, en assurant la gestion des licences, en participant au transfert de technologies et en soutenant l’accès aux traitements. Comme expliqué dans sa Stratégie pour 2023-2025, le MPP mène généralement des activités aux fins de l’obtention de licences lors des dernières étapes du développement d’un produit, de la phase d’approbation par les autorités réglementaires et aux prémices de la commercialisation. Dans certains cas, ces activités sont lancées dès qu’un produit approuvé est reconnu prioritaire par un mécanisme de santé mondiale (la Liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS, par exemple). Dans le futur, les activités du MPP pour l’obtention de licences seront initiées plus tôt pour permettre une prise en compte plus précoce des caractéristiques liées à l’accès aux traitements lors du processus d’innovation, garantir un appui plus solide au développement du produit et raccourcir les délais séparant l’approbation du produit et l’accès abordable à celui-ci dans les pays à revenus faible et intermédiaire. Le MPP va aussi accroître ses activités en aval, pour qu’il soit plus facile d’accéder à des produits protégés par des licences à un prix abordable et, dans certains cas exceptionnels, poursuivra son travail sur des produits protégés par des licences après l’expiration du brevet correspondant, afin de faciliter le processus pour de futurs produits prioritaires.

Charles Gore, directeur exécutif du Medicines Patent Pool et premier auteur de l’article, a écrit : « Vingt ans après le début du 21e siècle, il semble inadmissible que le lieu de vie d’une personne détermine encore sa capacité d’avoir accès à des soins de santé, et donc de survivre ou de vivre en bonne santé. La COVID-19 a mis un coup de projecteur sur l’équité de la santé publique et l’accès aux traitements et, à l’instar d’autres mesures visant à favoriser l’utilisation effective des médicaments essentiels, l’octroi de licences volontaires axées sur la santé publique a un rôle à jouer pour mettre fin aux inégalités de l’accès aux médicaments. »

Principales caractéristiques des accords de licence volontaires ayant pour but de maximiser l’impact des produits prioritaires sur la santé publique. Un complément à l’article (disponible en anglais à l’adresse https://dx.doi.org/10.1136/bmjgh-2023-012964) explique comment ces principales caractéristiques ont été mises en œuvre dans différents accords de licence. GCE : Groupe consultatif d’experts.

Résumé :

  • L’octroi de licences volontaires sur des actifs de propriété intellectuelle dans le domaine de la santé publique est particulièrement efficace pour soutenir le déploiement à une plus grande échelle des traitements recommandés par l’OMS contre le VIH et l’hépatite C dans les pays à revenus faible et intermédiaire, ce qui permet de réaliser des économies et de sauver des vies.
  • Malgré le succès et l’implantation des licences volontaires axées sur la santé publique au travers de l’action du Medicines Patent Pool en tant que référence absolue pour un accès aux traitements à grande échelle, des voix s’élèvent de manière récurrente pour demander que ces licences soient encore améliorées (par exemple, que leur territoire d’application soit élargi). Des observateurs ont également dit craindre que les licences volontaires renforcent les droits de propriété intellectuelle, ou soient utilisées comme un outil pour piloter la concurrence, pour collecter des redevances ou pour segmenter les marchés (plutôt que pour consolider l’accès) en l’absence de droits de brevets.
  • Les licences du MPP sont généralement plus favorables à l’accès et leurs clauses sont moins restrictives que celles des licences négociées de manière bilatérale par les détenteurs de brevets et les fabricants de génériques. Elles sont aussi mises à la disposition du public ; ce choix a d’ailleurs permis l’émergence de normes mondiales applicables à l’octroi de licences de santé publique. Les faits montrent que les sous-licences de santé publique octroyées par le MPP rendent la concurrence entre génériqueurs plus forte et durable dans un plus grand nombre de pays et ce plus rapidement, en ramenant les prix des traitements à un niveau inférieur aux prix différenciés, avec un impact économique et sanitaire.
  • L’article publié par BMJ Global Health examine le modèle de l’octroi de licences volontaires axées sur la santé publique ; les considérations à prendre en compte pour trouver l’équilibre entre les principaux besoins de santé publique ; les défis propres aux négociations et les compromis en jeu, et enfin les processus permettant d’évaluer les propositions d’accords de licences et de les faire valider par des acteurs externes dans le contexte d’un processus stratégique, souple et volontaire.
  • Contextualiser l’action du MPP du point de vue des personnes qui participent à son fonctionnement et qui en connaissent les subtilités, tout en ayant conscience des forces et des faiblesses de son modèle, en gérant les attentes de chaque partie, en identifiant les situations où ce modèle pourra apporter la plus grande valeur ajoutée, et en mettant en place le soutien nécessaire à l’application durable de ce modèle, pourra aider à mieux affiner les attentes, à élaborer des mesures d’incitation visant à élargir ses applications, et à consolider sa démarche.
  • L’octroi de licences axées sur la santé publique a un rôle important à jouer pour améliorer l’accès aux médicaments, même si cette solution reste insuffisamment exploitée ; cet argument est tout à fait pertinent dans le contexte des discussions qui se tiennent actuellement au sein de l’OMS, de l’Organe intergouvernemental de négociation et du G20, entre autres.

Un supplément disponible en ligne résume, en des termes simples, les principales caractéristiques des accords de licence du MPP dont il est question dans l’article. Ce supplément est également disponible (en anglais) sur le site web de BMJ Global Health à l’adresse suivante : http://dx.doi.org/10.1136/bmjgh-2023-012964.

Pour citation :

Gore C., Morin S., Røttingen J.-A., Kieny M.-P. (2023) Negotiating public-health intellectual property licensing agreements to increase access to health technologies: an insider’s story. BMJ Global Health, 0: e012964. doi:10.1136/bmjgh-2023-012964 

Consulter l’article dans son intégralité ICI.

This statement is also available in English.

###

À propos du Medicines Patent Pool

Le Medicines Patent Pool (MPP) est une organisation de santé publique soutenue par les Nations Unies, dont la mission est d’améliorer l’accès à des médicaments essentiels dans les pays à revenus faible et intermédiaire, et de faciliter la mise au point de tels médicaments. Au travers de son modèle économique innovant, le MPP collabore avec la société civile, les gouvernements, des organisations internationales, l’industrie, des groupes de patients et d’autres acteurs afin d’établir des priorités, de délivrer des licences sur les médicaments indispensables et de centraliser les actifs de propriété intellectuelle pour faciliter la fabrication de médicaments génériques et l’élaboration de nouvelles formulations. À ce jour, le MPP a signé des accords avec 20 titulaires de brevets pour 13 antirétroviraux contre le VIH, une plateforme technologique sur le VIH, trois antiviraux à action directe contre l’hépatite C, un traitement contre la tuberculose, un traitement contre le cancer, quatre technologies à action prolongée, trois traitements antiviraux oraux contre la COVID-19 et 15 technologies contre la COVID-19. Le MPP a été créé par Unitaid, qui reste son principal bailleur de fonds. Le travail du MPP sur l’accès aux médicaments essentiels est également financé par la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC). Les activités du MPP dans le domaine de la lutte contre la COVID-19 bénéficient du soutien financier du gouvernement japonais, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français, de l’agence de coopération internationale allemande (GIZ) et de la DDC.

Contact médias

press@medicinespatentpool.org