COVID-19

Cette année, la COVID-19 a mis en lumière la question de l’accès comme cela n’avait jamais été fait auparavant, ou du moins pas depuis le début de l’épidémie de VIH, qui a conduit à la création du Medicines Patent Pool. Il est aujourd’hui clair que le fait de reléguer au second plan les pays à revenus faible et intermédiaire engendre un coût humain et financier non seulement pour ces pays, mais aussi pour le reste du monde. L’accès est enfin au cœur des débats. Il ne joue pas un rôle marginal, il est crucial. La situation s’améliore. Les vaccins parviennent enfin aux pays à revenus faible et intermédiaire, quoique pas encore dans les quantités nécessaires pour permettre une bonne couverture de la population avec des schémas vaccinaux complets, sans parler des rappels. Au cours des quatre derniers mois de l’année, nous avons signé cinq nouveaux accords de licence – deux pour des traitements contre la COVID-19, un pour un outil de dépistage, et deux pour des technologies à action prolongée.

Les deux accords de licence portant sur des traitements contre la COVID-19 − dont l’un a été conclu avec MSD sur le molnupiravir et l’autre avec Pfizer sur un médicament appelé nirmatrelvir − sont particulièrement importants parce qu’ils concernent les premiers médicaments destinés à un usage par la médecine de ville. S’agissant de traitements oraux, donc faciles à administrer, faciles à fabriquer (et par conséquent peu coûteux), et ils sont particulièrement bien adaptés aux populations des pays à revenus faible et intermédiaire où le vaccin est encore trop peu présent. La couverture géographique de chaque licence signifie que plus de quatre milliards de personnes devraient avoir accès, pour un prix abordable, à des médicaments susceptibles de leur sauver la vie.

Par ailleurs, l’accord portant sur le test de dépistage de la COVID-19 du CSIC, le Conseil supérieur de la recherche scientifique espagnol, est la première licence obtenue par le Groupement d’accès aux technologies contre la COVID-19 (C-TAP) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En plus de détenir des licences, le MPP apporte à cette initiative son savoir-faire en la matière. En parallèle, l’outil VaxPaL du MPP, première base de données de licences et de brevets portant sur des vaccins contre la COVID-19, a été inauguré.

Il est urgent de remédier aux difficultés d’accès, mais il ne faut pas oublier que des problèmes systémiques doivent également être résolus. L’absence de production locale de vaccins dans les pays à revenus faible et intermédiaire en est un, en particulier en Afrique. Ainsi, nous nous félicitons d’avoir été sollicités par l’OMS pour codiriger avec elle la division du Groupe de travail sur la fabrication des vaccins du dispositif COVAX chargée d’appuyer le transfert de technologies aux pays à revenus faible et intermédiaire. L’objectif est de permettre à ces pays non seulement de commencer à produire des vaccins contre la pandémie de COVID-19, mais aussi de s’approprier le savoir-faire pour se préparer aux futures pandémies. Il s’agit de mettre en place un centre mondial de technologie et de formation en Afrique du Sud, d’y établir la technologie ARNm, puis de mettre celle-ci à la disposition d’autres pays à revenus faible et intermédiaire. L’OMS a considéré que notre expérience et notre savoir-faire en matière de licences de santé publique seraient cruciaux pour permettre au centre d’obtenir des licences sur les technologies ciblées et d’octroyer des sous-licences à d’autres bénéficiaires. Ce projet de centre de transfert de technologies est déjà bien avancé, les trois premiers bénéficiaires ayant déjà été sélectionnés : un en Afrique du Sud, un en Argentine et un au Brésil. Un processus de sélection est en cours pour désigner d’autres bénéficiaires.

Continuer d’œuvrer pour un meilleur accès dans tous les domaines de la santé

Si la pandémie de COVID-19 représente un défi en elle-même, elle engendre également des difficultés considérables en matière d’accès aux soins. Malgré cela, les bénéficiaires de sous-licences du MPP ont fourni plus de 4,21 milliards de doses de traitement au cours du premier semestre de l’année, portant le nombre total de doses fournies à 22,76 milliards (chiffre inespéré !) en juin 2021, dans les 148 pays couverts par nos licences. Pour illustrer ce que cet accès signifie pour les personnes vivant avec le VIH, je vous invite à lire cet article sur le Tchad. Depuis septembre, quatre pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (l’Azerbaïdjan, le Bélarus, le Kazakhstan et la Malaisie) ont également commencé à recevoir leurs premiers stocks, grâce à une licence personnalisée permettant un accès à des prix abordables. Le 1er décembre, nous avons célébré la Journée mondiale de lutte contre le sida, événement qui nous rappelle que l’épidémie se poursuit et que la lutte contre le VIH n’est pas terminée.

Les enfants sont aussi trop souvent l’un des groupes les plus menacés par le manque d’accès aux soins. En mai, la première version générique du dolutégravir (DTG) pédiatrique, sous la forme d’un comprimé dispersible sécable de 10 mg, était prête à être fournie par Viatris, fabricant de génériques partenaire du MPP, et 29 pays ont déjà reçu leurs premières doses. Macleods a également commencé à fournir des traitements. Le MPP continue de s’engager pour que chaque enfant vivant dans un pays à revenu faible ou intermédiaire puisse avoir accès à des traitements de qualité adaptés.

En septembre, l’OMS a publié sa liste des médicaments essentiels révisée ; malgré des ajouts bienvenus, on ne peut que noter le retard pris en matière d’accès aux traitements contre le cancer dans les pays à revenus faible et intermédiaire en raison de l’existence de nombreux obstacles. Dans ce domaine, l’OMS nous invite à faire usage de notre modèle de licences pour faire baisser les prix. Cependant, il ne s’agit là que d’une difficulté parmi d’autres. Nos partenariats avec l’Union pour la lutte internationale contre le cancer, la Fédération internationale du diabète et la Fédération mondiale du cœur sont devenus essentiels pour faire tomber les autres obstacles. En effet, favoriser l’accès des patients aux traitements ne résume pas à en faire baisser le prix : il faut également que les traitements parviennent jusqu’à eux.

Se tourner vers les dernières innovations

Au MPP, nous suivons avec attention les dernières innovations en matière de traitement et de prévention. L’anneau vaginal à la dapivirine est très prometteur pour la prévention du VIH chez la femme, comme l’indique Zeda Rosenberg dans un entretien que nous avons réalisé cette année (en savoir plus). En décembre, nous avons signé un accord de licence avec l’Université de Washington concernant un candidat-traitement anti-VIH expérimental sous la forme d’une combinaison médicamenteuse injectable à action prolongée, un nouvel espoir de mode d’administration alternatif. Nous avons également obtenu une licence de Tandem Nano, la start-up de l’Université de Liverpool qui met au point sa propre plateforme de nanotechnologies à action prolongée. Cette plateforme pourrait être utilisée contre trois maladies ayant une prévalence élevée dans les pays à revenus faible et intermédiaire : le paludisme, la tuberculose et l’hépatite C. Les technologies à action prolongée sont très prometteuses.

Un modèle qui fonctionne

En octobre, la revue Lancet Public Health a publié une étude de modélisation de deux licences importantes du MPP (sur le DTG pour le VIH et sur le daclatasvir pour l’hépatite C). Selon la méthodologie révisée, qui s’appuie sur le portefeuille existant du MPP, il est estimé que, en 2030, le MPP aura permis à la communauté internationale d’économiser 3,5 milliards USD.

Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est grâce à nos partenaires 

2021 a été une année charnière pour le MPP, notamment parce que l’accès et les licences volontaires ont été brandis en exemple comme solutions pour surmonter les obstacles révélés par la pandémie de COVID-19. Le MPP n’est peut-être qu’une petite organisation à l’échelle de la santé publique mondiale, mais si nous pouvons jouer dans la cour des grands, c’est grâce à notre immense réseau de partenaires – membres de la société civile, gouvernements, institutions des Nations Unies, organisations internationales, industriels (innovateurs et fabricants de génériques), universités et bailleurs de fonds, dont certains nous ont rejoints en 2021. Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont travaillé sans relâche avec nous cette année. Je tiens également à remercier le Conseil de fondation du MPP et notre Comité consultatif d’experts, qui ont été sollicités à de nombreuses reprises pour prendre des décisions dans des délais très courts, ainsi que notre Groupe consultatif scientifique, dont les avis éclairés continuent de nous guider.

Je me réjouis de continuer de collaborer avec chacun de vous en 2022.

Charles Gore