L’accord a permis un accès élargi au traitement du VIH – le dolutégravir – pour des millions de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Genève – Il y a dix ans, le Medicines Patent Pool (MPP) et ViiV Healthcare ont signé un accord de licence volontaire pour établir l’accès au dolutégravir (DTG) dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Une fois la licence pour le DTG signée en 2014, des fabricants de médicaments génériques sélectionnés ont pu développer, produire et fournir le médicament dans les pays inclus dans la licence.

Avec bien plus d’un milliard de boîtes de DTG générique désormais distribuées et  24 millions d’adultes prenant quotidiennement des traitments à base de DTG dans les pays à revenu faible et intermédiare, le résultat n’a pas seulement été un succès spectaculaire, mais a également démontré que le modèle de licence volontaire du MPP pourrait être étendu à de nombreux autres domaines thérapeutiques.

Expériences personnelles sur un médicament transformateur

Un documentaire de 45 minutes, produit par le MPP, rapporte des témoignages de personnes vivant dans des pays à revenu faible et intermédiaire dont la vie a été transformée par cet accord et par le travail de nombreux partenaires. Présentant des témoignages personnels du Cameroun, d’Inde, du Kenya, du Sénégal et d’Afrique du Sud, The dolutegravir story: A Decade of Access permet aux personnes vivant avec le VIH de s’exprimer avec leurs propres mots, sur leurs expériences.

(Lien vers la page des témoignages : https://medicinespatentpool.org/fr/partners/stories/i-am-part-of-the-dtg-story)

« The Decade of Access » a été présenté pour la première fois à un public de parties prenantes le 28 mai 2024, en marge de l’Assemblée mondiale de la Santé. Après la projection, Ben Plumley, animateur du podcast de santé internationalement reconnu « A Shot in the Arm », a présidé une table ronde sur l’impact du DTG sur la vie des personnes vivant avec le VIH.

Plusieurs thèmes importants ont émergé de la discussion. Dr Lucia Rizka Andalucia, Directrice Générale des Produits Pharmaceutiques et des Dispositifs Médicaux au Ministère de la Santé d’Indonésie, avec qui le MPP venait de signer un protocole d’accord. (https://medicinespatentpool.org/fr/news-publications-post/le-ministere-de-la-sante-dindonesie-et-le-medicines-patent-pool-annoncent-une-collaboration-strategique-pour-ameliorer-lacces-aux-produits-de-sante), a félicité le MPP et Unitaid pour les dix années d’accès réussi au DTG, elle a souligné qu’avec “le nombre de cas de VIH en Indonésie augmentant à plus de 500 000 en 2022”, l’accès au DTG est aussi vital pour l’Indonésie qu’il ne l’a jamais été. “Le DTG est l’un de nos médicaments prioritaires fournis par le Ministère de la Santé, disponible en comprimés de 10 mg pour les enfants et de 50 mg pour les adultes. J’espère que nous pourrons continuer la collaboration entre l’Indonésie et le MPP.”

Des partenariats solides et de confiance sont essentiels

Deborah Waterhouse, l’actuelle PDG de ViiV Healthcare, a souligné que rien ne peut être accompli “sans partenariat. C’est ainsi que nous avons pu négocier les licences pour le DTG pour les adultes. Le MPP est essentiel car ils ont émis les sous-licences, et ensuite les partenaires incroyables sur le terrain s’assurent que les produits arrivent dans les endroits où il aura le plus d’impact.”

Ses propos ont été repris par Dominique Limet, le PDG de ViiV au moment de la signature de l’accord en 2014. Il a souligné l’importance du rôle de l’OMS dans le processus, car “avec leurs fantastiques directives de préqualification de traitement, tout s’est déroulé très rapidement. Grâce au MPP, nous avons pu avancer plus vite. C’est aussi un facteur clé de succès, car en allant vite, vous créez un accès à des volumes plus importants, et en créant des volumes plus élevés, vous réduisez les prix.”

Siobhan Crowley, responsable du VIH au Fonds mondial, a également insisté sur le fait qu’un partenariat authentique est un élément crucial pour le succès : “Il est difficile de faire bouger une aussi grande machine, de faire les choses correctement. Les transitions nous ont mis à l’épreuve, mais elles en valent vraiment la peine. La puissance du partenariat, cette ambition audacieuse d’une ténacité ardente en disant ‘nous pouvons et nous devons’, est vraiment importante.”

Un produit abordable ne rime pas avec mauvaise qualité.

Un autre élément clé de la discussion a été la reconnaissance qu’il n’y a pas de conflit nécessaire entre l’abordabilité et l’accès aux meilleurs médicaments. Ce point a été souligné de manière particulièrement aiguë par le Professeur Matthew Kavanagh, conseiller principal de Winnie Byanyima, Directrice Exécutive de UNAIDS. Le professeur Kavanagh a qualifié cette décennie de réussite de “remarquable”, en soulignant que le coût de “40 $ par patient par an est un chiffre à célébrer. Cela démontre que lorsque le monde affirme qu’il faut choisir entre des médicaments abordables ou de qualité, c’est un faux dilemme.”

La sécurité doit toujours passer en premier

Mme Uchennna Elmuwa, Directrice de la Pharmacovigilance à la NAFDAC, l’agence de régulation du Nigeria, a souligné l’importance de mettre la sécurité en premier. Rappelant que le traitement du VIH à base de DTG a commencé en 2017 dans son pays, elle a insisté sur le fait que “nous devons avoir un système de surveillance actif en place. Car au milieu de ses merveilles, il y a toujours un risque potentiel. Donc, la nécessité d’une surveillance continue est très critique.”

Les équipes de santé au Nigeria ont donc surveillé de près l’efficacité et la tolérabilité du DTG, en établissant une base de données nationale des cas. Bien qu’il y ait un certain scepticisme quant à son utilisation chez les femmes en âge de procréer, Mme Elmuwa n’a pas prétendu que tout le monde était convaincu par le DTG, mais a également souligné que plusieurs études démontrent que les avantages l’emportent sur les risques.

Succès spectatulaire du DTG pédiatrique

Mme Elmuwa a également souligné l’impact positif du pDTG. “De nombreux enfants qui ont commencé à recevoir la nouvelle dose pédiatrique se portaient en fait, très, très bien. L’un des enfants de l’étude – et cela a vraiment fait echo à l’histoire –  était un petit enfant de trois ans, presque sur le point de mourir. Mais après avoir été transféré à la dose pédiatrique, son état s’est considérablement amélioré et elle a commencé à prendre du poids et à aller beaucoup mieux.

Ses propos ont été repris par Meg Doherty, directrice du département VIH à l’OMS. Elle a rappelé à l’audience que “plus de 76 % des personnes vivant avec le VIH sont désormais sous traitement antirétroviral, la majorité d’entre elles étant sous des régimes contenant du DTG. La suppression de la charge virale est actuellement de 93 %. Ce nombre augmente progressivement et s’améliore pour les enfants, mais avec les médicaments précédents la suppression virale était très faible.”

Le rôle vital des communautés affectées

Une autre raison du succès retentissant du DTG est que les communautés affectées n’ont jamais été ignorées. Ce point a été souligné par Robert Matiru, Directeur de la gestion des programmes chez Unitaid.

“Aucune histoire n’est complète si des chapitres manquent, et aucune histoire n’est complète si elle n’inclut pas toutes les personnes concernées. Les voix de ces personnes sont vraiment essentielles.”

Maurine Murenga, fondatrice de Lean on Me, Kenya, a parlé avec émotion des effets négatifs des médicaments contre le VIH qui ont précédé le DTG. “C’était nous qui nous endormions pendant les réunions, et nos enfants s’endormaient en classe parce qu’ils ne pouvaient pas supporter les effets des médicaments,” a-t-elle déclaré.

Vers un avenir prometteur avec le CAB-LA
Meg Doherty a rappelé à l’audience que bien que le DTG “soit l’une de mes histoires de réussite préférées, nous devons faire de même pour le cabotegravir a action long durée pour la prévention du VIH  – nous ne pouvons pas oublier ce que nous avons si bien réussi dans le cas du DTG.”

Robert Matiru a également émis quelques mots de prudence. “Le CAB-LA va être une histoire encore plus difficile à développer et à préparer,” a-t-il déclaré. “Le DTG est une combinaison à dose fixe à prise oral journalière, mais le CAB-LA est une injection tous les deux mois pour des personnes qui ne sont même pas malades. Nous devons écrire cette histoire pour qu’elle soit aussi réussie que celle du DTG, mais c’est une histoire différente.”

“À ce moment-là, c’est devenu réel.”

Pour conclure la session, Esteban Burrone, Directeur de la policy, de la stratégie et de l’accès au marché de MPP, a réitéré que cela avait été “une aventure très excitante au cours des dix dernières années.” Il a mis l’accent sur trois moments clés de ce parcours. Le premier fut la signature de la licence initiale qu’il a qualifiée de négociation difficile, mais c’est ainsi que l’on forge un bon partenariat »,  a-t-il dit.

Le deuxième moment crucial pour M. Burrone a eu lieu en août 2017, lorsque la combinaison à dose fixe a été disponible pour la première fois.

Son troisième moment fort a été lorsqu’il a vu une boîte contenant du DTG portant la mention “Fabriqué sous licence du Medicines Patent Pool”. “À ce moment-là, c’est devenu réel”, a-t-il déclaré, “et c’est de cela que parle vraiment cette histoire.”