Il règne une atmosphère étrange en cette journée mondiale de lutte contre la tuberculose, alors que nous faisons face à une crise sanitaire mondiale majeure, qui touche chacun de nous d’une manière ou d’une autre. Alors que nous assistons à une hausse du nombre de cas de COVID-19, maladie infectieuse qui touche le système respiratoire et contre laquelle nous n’avons pas encore de traitement ni de vaccin, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec la tuberculose.

Nous ne devons pas oublier que, en cette journée, plus de 4 000 personnes dans le monde vont mourir de la tuberculose et près de 30 000 vont contracter cette maladie qui peut à la fois être prévenue et soignée[1]. La plupart des personnes touchées par la tuberculose active vivent dans des pays à revenu faible et intermédiaire, et un bon nombre d’entre elles sont coinfectées par le VIH.

Au début de cette année, je me suis rendu en Ukraine pour rencontrer certains de nos partenaires-clés et parler de l’impact des activités que le MPP mène actuellement sur l’accès aux médicaments contre le VIH et l’hépatite C. La tuberculose fait partie du mandat du MPP, et j’ai saisi cette occasion pour m’entretenir avec le ministère de la Santé, ainsi qu’avec les ONG Alliance for Public Health et 100%Life sur la situation actuelle en Ukraine sur le plan de la tuberculose.

L’Ukraine a beaucoup progressé dans le domaine de la lutte contre la tuberculose. Les derniers chiffres montrent qu’environ 20 000 cas de tuberculose sont diagnostiqués chaque année, et que le nombre de nouveaux ne cesse de baisser ces dernières années. Malgré les progrès accomplis, le nombre de cas de tuberculose multirésistante reste important, puisqu’ils représentent 30 à 35 % des patients et que le taux de réussite du traitement dans ces cas-là n’est que de 49 %. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que l’Ukraine fait partie des 20 pays qui comptent le plus de cas de tuberculose multirésistante[2]. Fin 2019, l’OMS a publié une communication rapide sur les principaux changements apportés au traitement contre la tuberculose pharmacorésistante. Ces changements incluent l’introduction d’un traitement oral à base de bédaquiline pour le traitement de la tuberculose résistante à la rifampicine. L’Ukraine compte sur ces nouveaux traitements pour améliorer de manière significative les résultats thérapeutiques et sur le prix abordable des traitements pour améliorer l’accès à ceux-ci, alors que le pays va bientôt s’affranchir du soutien financier du Fonds mondial.

Notre objectif au MPP est de faire en sorte que tous les malades aient accès aux traitements dont ils ont besoin. Notre travail dans le domaine de la lutte contre le VIH et l’hépatite a permis à de nombreux pays de réaliser des économies considérables, grâce à l’accès à des versions génériques abordables et de qualité de médicaments essentiels. Notre dernière déclaration d’impact montre que les accomplissements du MPP pendant la période allant de 2012 à 2019 ont permis de réaliser 1,44 milliard USD d’économies (31,4 millions de patients-année de traitements fournis représentant 11,7 milliards de doses de traitement). Rien qu’au cours des six derniers mois de 2019, le travail du MPP a permis de réaliser 210 millions USD d’économies, et de fournir deux milliards supplémentaires de doses de traitement.

Dans le domaine de la lutte contre la tuberculose, en octobre 2019, le MPP a signé un accord de licence avec Pfizer afin de faciliter le développement du sutézolid, un médicament expérimental contre la tuberculose. Pfizer a octroyé au MPP une licence non exclusive, mondiale, et sans redevances permettant à de possibles bénéficiaires de sous-licences du MPP d’avoir accès aux données et aux résultats des études précliniques de phase I et cliniques de phase IIa. Grâce à ces données, ces fabricants pourront poursuivre les recherches pour développer et mettre sur le marché cet élément potentiellement important des traitements contre la tuberculose. Grâce à notre mécanisme d’établissement de priorités parmi les produits, fondé sur le savoir-faire de notre Comité d’experts consultatifs et de notre Groupe consultatif scientifique, ainsi qu’aux concertations avec des acteurs de la santé mondiale, nous avons sélectionné un certain nombre de médicaments contre la tuberculose pour lesquels nous espérons obtenir des licences supplémentaires, lesquelles permettront la production de nouveaux médicaments génériques proposés en versions adulte et pédiatrique, ou de nouveaux traitements actuellement en phase d’essais cliniques et potentiellement importants dans le futur.  Nous sommes régulièrement en lien avec le le Service pharmaceutique mondial, qui, en tant qu’acheteur de premier plan de médicaments contre la tuberculose, connaît les besoins des pays. Il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de la lutte contre la tuberculose pour que les pays, notamment ceux touchés par la tuberculose multirésistante, aient accès à des traitements abordables de qualité.

Parce qu’environ 10 millions de personnes contractent chaque année la tuberculose active, la COVID-19 est une perspective effrayante, en particulier pour ceux qui ont été diagnostiqués récemment, sont sous traitement antituberculeux ou ont une comorbidité. Alors que le monde est focalisé sur la recherche de traitements contre la COVID-19, le MPP se tient prêt à soutenir l’accès à ces traitements dans les pays dans les pays à revenu faible et intermédiaire grâce à son mécanisme de licences volontaires. MedsPaL, intègre déjà les dernières informations relatives aux brevets sur le remdésivir, le favipiravir et le lopinavir/ritonavir, trois produits qui pourraient s’avérer prometteurs à l’issue des essais cliniques en cours. Par ailleurs, nous continuerons de mettre à jour notre base de données sur les brevets au fur et à mesure que des traitements contre la COVID-19 seront découverts.  Au MPP, nous nous engageons à poursuivre notre travail aux côtés des innovateurs et des fabricants de génériques, en partenariat avec la communauté de la santé mondiale, pour que les meilleurs traitements soient accessibles à ceux qui en ont le plus besoin.

Le fait que nous célébrions l’édition 2020 de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose en plein confinement nous rappelle que nous devons rester unis en ces temps difficiles, et que nous devons conjuguer nos forces pour combattre les maladies infectieuses respiratoires sous toutes leurs formes.

Il est temps d’en finir avec la tuberculose.

Charles Gore

 

[1] https://www.who.int/tb/en/ (en anglais). En 2018, 1,2 million de personnes sont mortes de la tuberculose et 10,8 millions ont contracté la maladie.

[2] Rapport 2019 sur la tuberculose de l’OMS (en anglais) https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329368/9789241565714-eng.pdf?ua=1