Même si je travaille dans le domaine de la santé publique depuis près de 20 ans et que je sais, par expérience, que le changement prend du temps, je suis encore stupéfait de voir que presque 2 milliards de personnes n’ont pas accès aux médicaments essentiels et aux technologies de santé de base et que, chaque année, 100 millions de personnes sombrent dans la pauvreté parce qu’elles sont contraintes de dépenser plus d’argent qu’elles n’en ont pour se soigner. La nécessité d’une couverture santé universelle (CSU) ne pourrait être plus évidente.

La difficulté, bien sûr, reste le coût. Les pays ont-ils les moyens de la mettre en place, en particulier ceux qui en ont le plus besoin ? La réponse est oui, du moins en théorie. Les gouvernements ont le choix de leurs dépenses. Mais la santé ne devient pas une priorité sans volonté politique. La réunion de haut niveau des Nations Unies (UN HLM) sur la couverture santé universelle, qui aura lieu le 23 septembre à New York, est une excellente occasion pour tous les défenseurs de la CSU de mobiliser l’attention à un haut niveau politique. Lorsque la volonté est là, il est beaucoup plus probable que l’engagement financier suive.

Toutefois, pour que les gouvernements s’engagent en faveur de la CSU, ils doivent être convaincus que c’est à leur portée. Cela signifie que les éléments nécessaires doivent être en place, notamment des installations de santé appropriées, suffisamment de personnel formé, une infrastructure logistique, des dépistages et des médicaments. Et ces services doivent aussi avoir un coût abordable. Pour que cela soit possible, chacun doit apporter sa pierre à l’édifice, et le Medicines Patent Pool a son rôle à jouer. En négociant des licences avec les sociétés qui mettent au point de nouveaux médicaments, nous facilitons la fabrication et la commercialisation de versions bon marché de qualité garantie de ces médicaments afin de les rendre abordables pour les pays à revenu faible et intermédiaire. Les médicaments abordables sont non seulement une composante de la CSU, mais je suis heureux de pouvoir dire qu’ils en représentent une part absolument essentielle. En fait, j’irais même jusqu’à dire que, sans médicaments abordables, la CSU ne peut exister.

Je crois fermement à la nécessité de garantir un accès aux médicaments essentiels à chacun, quels que soient le lieu de vie, la situation financière ou le statut social de la personne. C’est la raison pour laquelle, il y a un an, j’ai décidé de rejoindre le Medicines Patent Pool. Si cet organisme a été créé par Unitaid à la demande des Nations Unies, c’est précisément dans le but de proposer un modèle innovant pour favoriser l’accès à des médicaments abordables grâce à des licences volontaires axées sur la santé publique et à la mise en commun des brevets.

Ce que le MPP a accompli en moins de dix ans reste une source d’émerveillement pour moi. Grâce aux licences du MPP, 8 milliards de comprimés contre le VIH et l’hépatite C ont été fournis à des prix abordables à ceux qui en ont le plus besoin, et les gouvernements ont payé 1 milliard USD de moins que ce qu’ils auraient dû investir sans le MPP, libérant ainsi des fonds pour soigner davantage de personnes. Le MPP a ainsi permis l’accès à des traitements anti-VIH de première qualité, tels que le dolutégravir (DTG), recommandé par l’OMS, à plus de 90 % des personnes vivant avec le VIH. Notre modèle, qui laisse aux fabricants de médicaments génériques la liberté d’innover, a permis le développement de formulations à dose fixe innovantes et extrêmement efficaces comme le TLD (fumarate de ténofovir, disoproxil, lamivudine et DTG), qui est vendu à un prix raisonnable dans les pays en développement, ainsi que des formulations spécifiques pour les enfants.

Notre contribution était auparavant limitée aux traitements contre le VIH, la tuberculose et l’hépatite C, mais nous avons élargi notre mandat pour pouvoir appliquer notre modèle à tous les médicaments essentiels. Nous nous réjouissons à l’idée de rendre disponibles de nombreux autres médicaments de qualité à des prix abordables et d’apporter notre modeste contribution à cet accomplissement si essentiel qu’est la CSU, puisqu’il signifie que nous ne laisserons personne de côté.